J’endurcirai le cœur de Pharaon (Luther)

Tout lecteur de la Bible se retrouve un jour ou l’autre confronté à des textes difficiles à comprendre. Parmi ceux-là, mentionnons celui du livre de l’Exode où l’Éternel déclare : « J’endurcirai le cœur de Pharaon[1]». Wow! Dieu a-t-il vraiment dit cela, c’est à dire, a-t-il réellement endurci le cœur de Pharaon de façon délibérée? En ces temps où nous aimons croire et dire que Dieu respecte la liberté de chacun et n’impose jamais sa volonté à quiconque, cette affirmation résonne plutôt mal.

Vite, sauvons Dieu!

Dans un monde résolument gagné aux valeurs des libertés individuelles, est-il permis de consentir à Dieu la jouissance pleine et entière de sa souveraineté? Certes non, car ici-bas, l’homme soi-disant libre a aussi le droit de choisir pour lui-même ce qu’il croit juste. C’est pourquoi il nous semble injuste qu’un Dieu d’amour ait pu endurcir le cœur de Pharaon en vue d’accomplir ses desseins envers Israël. Dieu aurait-il manqué d’amour dans cette affaire? Il est tellement plus facile de croire que Pharaon fut l’instigateur du conflit parce qu’ainsi, l’image d’un Dieu juste est préservée.

Les diverses approches d’évangélisation pratiquer dans les milieux évangéliques présentent souvent un message d’amour divin qui répond aux critères de l’amour selon l’homme. On y décrit Dieu comme un être bonasse qui respecte la liberté des hommes de choisir ou de refuser son offre salutaire. Il est à ce point aimant qu’il est même prêt à laisser les hommes se perdre si tel est leur volonté, car jamais un Dieu d’amour ne voudrait froisser la liberté de quiconque. Bizarre quand même, non? Le problème avec ce raisonnement est qu’il repose sur une conception erronée de l’amour, car ici-bas, faut-il le rappeler, l’amour est malade, il souffre des maux causés par la Chute.

Un Dieu remaquillé au goût du jour …

Cette façon de présenter l’Évangile vise-t-elle à protéger Dieu contre la mauvaise réputation qu’on lui fait déjà en ce monde? Je crois plutôt que c’est notre réputation que nous cherchons à protéger. Embellir l’image de Dieu, c’est aussi embellir notre image face aux gens qui nous observent. Inconsciemment, nous connaissons très bien les valeurs des hommes de notre temps, ce qu’ils aiment ou n’aiment pas. C’est aussi pour cette raison qu’il nous semble préférable de remaquiller Dieu au goût du jour afin de le rendre plus présentable.

Et pourtant!

Il est également vrai qu’à 6 reprises[2], dans les chapitres 7,8 et 9 de l’Exode que ” Le cœur de Pharaon s’endurcit“? Si donc le cœur de Pharaon était déjà endurci, ne pouvons-nous pas affirmer que l’Éternel n’y était pour rien? Voilà, c’est réglé, Pharaon est le méchant, car Dieu, lui, n’a pas le choix d’être bon, nous disons-nous. Bien qu’il soit vrai que Pharaon avait endurci son cœur, un autre texte affirme sans équivoque que l’Éternel a délibérément endurci le cœur de cet homme.

“1 L’Éternel dit à Moïse : Vois, je te fais Dieu pour Pharaon : et Aaron, ton frère, sera ton prophète. 2 Toi, tu diras tout ce que je t’ordonnerai ; et Aaron, ton frère, parlera à Pharaon, pour qu’il laisse aller les enfants d’Israël hors de son pays. 3 Et moi, j’endurcirai le cœur de Pharaon, et je multiplierai mes signes et mes miracles dans le pays d’Égypte. 4 Pharaon ne vous écoutera point. Je mettrai ma main sur l’Égypte, et je ferai sortir du pays d’Égypte mes armées, mon peuple, les enfants d’Israël, par de grands jugements.[3]

Il est extrêmement clair dans ce texte[4] que c’est Dieu qui d’abord agit pour endurcir le cœur de pharaon. Alors, comment donc expliquer cette curieuse affaire alors que Dieu n’est pas censé tenter l’homme à faire ce qui est mal? « Que personne, lorsqu’il est tenté, ne dise: C’est Dieu qui me tente. Car Dieu ne peut être tenté par le mal, et il ne tente lui-même personne.[5]». Y a-t-il ici une contradiction? Est que Dieu peut endurcir le cœur d’un homme sans pour autant le tenter à faire ce qui est mal? Laissons Luther répondre à cette vertigineuse question :

« C’est ainsi qu’il endurcit le cœur de Pharaon, en présentant à sa volonté impie et mauvaise sa Parole et son œuvre, parce que celui-ci les hait par suite d’un vice de toute évidence inné et d’une corruption naturelle. Et comme Dieu ne la transforme pas intérieurement par son Esprit, mais maintient sa proposition et sa pression, et que Pharaon, considérant ses forces, sa richesse et puissance se confie en elle par le même vice naturel, il se produit que d’une part enflé et exalté en imaginant ce qui lui appartient, d’autre part rendu orgueilleusement méprisant par l’humilité de Moïse et de la Parole de Dieu venant sous une forme dépourvue de tout prestige, il en est endurci, puis il s’irrite et s’alourdit de plus en plus, à mesure que Moïse insiste et menace.[6]»

« C’est pourquoi l’endurcissement de Pharaon est accompli par Dieu de la façon suivante : extérieurement il propose à sa méchanceté une chose qu’il hait naturellement, en outre intérieurement il ne cesse de mettre en action par un mouvement tout puissant cette volonté mauvaise telle qu’il la trouve. Et Pharaon, selon la malice de sa volonté, ne peut pas s’empêcher de haïr ce qui est contraire à lui-même et de se fier à ses propres forces. C’est ainsi qu’il s’obstine au point qu’il n’écoute pas et ne comprend pas, mais qu’il est emporté, possédé de Satan, tel un fou et un furieux.[7]»

Le génie de Luther montre bien que Dieu, pour endurci le cœur de Pharaon, n’a pas eu besoin d’ajouter en son cœur une nouvelle part de méchanceté, il lui a simplement proposé de faire ce qui est bien, c’est-à-dire, laisser partir Son peuple. C’est précisément ce bien proposé qui agit de manière à endurcir le cœur de Pharaon, car comme il est vrai pour tout autre pécheur, le cœur de Pharaon est naturellement incliné vers le mal. Ainsi donc, Dieu n’a jamais tenté Pharaon à faire le mal, au contraire, il lui a seulement proposé de faire le bien.

Réal Gaudreault

[1] Exode 7: 23, 14:4

[2] Exode 7: 13, 7:22, 8: 11, 8: 15, 8: 28, 9: 7

[3] Exode 7: 1-4

[4] Voir aussi Exode 4 : 21-22

[5] Jacques 1 :13

[6] Luther, Du serf arbitre, pages 289-290

[7] Luther, Du serf arbitre, page 290

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4 Comments

  1. Le mot Endurcissement.
    Un fait intéressant est que son antonyme est CONVERSION.
    Extrait du dictionnaire :
    «RELIG. JUDÉO-CHRÉT. et cour.
    1. [En parlant de Dieu] Action d’endurcir l’homme, le peuple pécheur qui s’obstine à vivre séparé de Dieu (cf. endurcir). L’endurcissement d’Israël, de Pharaon. Synon. aveuglement, obstination (dans le péché).L’endurcissement (…) sanctionne le péché dont l’homme ne se repent pas (Théol. bibl.1970).
    2. [En parlant de l’homme pécheur, du peuple pécheur] Fait de s’endurcir, de s’obstiner dans le péché; absence de contrition, de repentir. Endurcissement du cœur, de l’âme; endurcissement au péché. Synonyme. impénitence; antonyme. conversion.»
    (Source : http://www.cnrtl.fr/definition/endurcissement)

  2. Le penchant naturel du cœur de l’homme est l’endurcissement; si l’Éternel n’intervient pas par son Esprit (És. 63. 7-19), l’homme ne veut, ni ne peut recevoir sa Parole, donc changer d’avis (se convertir). Il semble même que ce soit un mode de discipline pour son propre peuple. Ces passages sont éloquents et révélateurs:
    « Tu leur donneras un salaire, ô Éternel, selon l’œuvre de leurs mains; Tu les livreras à l’endurcissement de leur cœur, à ta malédiction contre eux » (Lam. 3. 64-65), «Vous avez vu tout ce que l’Éternel a fait sous vos yeux, dans le pays d’Égypte, à Pharaon, (…) Mais, jusqu’à ce jour, l’Éternel ne vous a pas donné un cœur pour comprendre, des yeux pour voir, des oreilles pour entendre.» (Dt. 29. 2, 4), «Pourquoi, ô Éternel, nous fais-tu errer loin de tes voies, et endurcis-tu notre cœur contre ta crainte? Reviens, pour l’amour de tes serviteurs, des tribus de ton héritage!» (És. 63. 17)

  3. Notre D.ieu est bon et Il l’est depuis l’éternité jusqu’à l’éternité.
    De l’lA.T. nou nous rendons compte que notre D.ieu – Créateur a voulu former Son peuple et lui a donné ses Paroles et après le passage de la Mer Rouge … Il l’a formé dans le désert, pour qu’il Lui obéisse.
    Dans le passage avec pharaon, nous voyons aussi que c’est lui qui dirige toutes choses et que ce D.ieu lointain et proche à la fois, est un D.ieu d’Amour et de justice. Il nous a fait cadeau de Son Fils unique bien aimé, généré et non créé. Luien nous et nous en Lui. Tout pour Sa gloire ! M e r c i et allelujah !

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