Comme il est étrange de voir un homme pour qui la souffrance est une occasion de réjouissance, et non de tristesse. Eh oui, l’apôtre Paul mentionne aux chrétiens de Colosse : « Je me réjouis maintenant dans mes souffrances pour vous; et ce qui manque aux souffrances de Christ, je l’achève en ma chair, pour son corps, qui est l’Église. » Visiblement, les chrétiens de l’époque apostolique entretenaient une attitude bien différente de la nôtre face à la souffrance. Nous, nous la maudissons en la chassant au nom de Jésus, Paul lui, la bénissait au nom de Jésus.
Quelle instruction pourrions-nous en retirer?
Indéniablement, l’apôtre Paul n’avait qu’une seule chose en tête, et cette chose n’était pas de bien réussir sa vie dans le sens où nous l’entendons de nos jours. Paul aimait être joyeux, mais non d’une joie qui se trouve dans les réussites et le succès qui viennent de l’approbation des hommes, mais de Christ. Car il faut bien se le dire, souffrir pour Christ n’est pas une marque de succès aux yeux des hommes, mais de rejet. C’est bien parce que l’apôtre des Gentils ne cherchait pas l’approbation des hommes qu’il souffrait, et ce même de la part de certains hommes qui se disaient frères. Mais peu importe, il y voyait une occasion de se réjouir. C’est en lisant ce texte de l’apôtre que je réalise à quel point ma vie chrétienne est des lieux de la sienne.
Les douleurs de l’insuccès
L’espérance de Paul n’était pas tout à fait liée à la réussite de sa vocation « personnelle » de présenter Christ aux païens. Pour lui la vraie réussite était que Christ soit présenté si même cela devait le conduire à souffrir les douleurs de l’insuccès, du rejet et des persécutions. Ce que j’essaie de dire ici c’est qu’il y a entre l’apôtre des gentils et nous, chrétiens du XXIe siècle, une distance existentielle colossale sur le plan des objectifs qui nous lient à la proclamation de l’Évangile. Paul désirait sûrement réussir dans sa vocation, mais pas en vue de paraitre juste aux yeux de ses frères, mais fidèle aux yeux du Seigneur. Et si Paul avait ce regard ci-haut placé, c’est qu’il voyait là quelque chose de bien plus glorieux, quelque chose qui surpasse toutes les gloires des acclamations que les hommes puissent lui procurer.
Nous aussi notre mission est de proclamer le message du Christ, mais nous regardons cette action comme étrangère aux souffrances qu’elles pourraient susciter. Mais Paul semblait plutôt voir dans les souffrances que lui imposait l’Évangile un avantage glorieux pour les païens. Si désagréable que puisse être la souffrance, elle était son alliée dans l’œuvre dont le but demeurait Jésus-Christ. Or, pour nous qui sommes plongés dans un monde où les valeurs d’un capitalisme dominant sont bien enracinées dans nos mœurs, c’est le succès de l’entreprise qui nous intéresse. En ce sens, Christ devient le produit exclusif de notre mise en marché, mais notre but, c’est notre réussite que nous souhaitons aussi grandiose que possible. Voilà pourquoi la souffrance ne peut d’aucune manière entrer dans l’équation de la réussite, car, pour réussir dans ce genre d’entreprise, il faut éviter les troubles, vecteurs de souffrances nuisibles.
L’espérance de la gloire
« 24 Je me réjouis maintenant dans mes souffrances pour vous; et ce qui manque aux souffrances de Christ, je l’achève en ma chair, pour son corps, qui est l’Église. 25 C’est d’elle que j’ai été fait ministre, selon la charge que Dieu m’a donnée auprès de vous, afin que j’annonçasse pleinement la parole de Dieu, 26 le mystère caché de tout temps et dans tous les âges, mais révélé maintenant à ses saints, 27 à qui Dieu a voulu faire connaître quelle est la glorieuse richesse de ce mystère parmi les païens, savoir : Christ en vous, l’espérance de la gloire. »
Cette dernière petite phrase de ce passage biblique « Christ en vous, l’espérance de la gloire » est la clé qui nous permet de mieux saisir le propos de Paul quant à la joie que lui procure la souffrance. C’est que son espérance n’était pas dans l’obtention de la gloire des hommes, mais de la gloire de Dieu. Paul visait plus haut que nous. Il visait l’espérance de la gloire du Christ ressuscité. Puisque le succès des hommes lui paraissait éphémère, l’affreux rejet qu’il obtenait d’eux pesait très peu dans la balance en comparaison de la gloire qu’il obtenait à travers les souffrances de Christ.
Conclusion
Éviter les souffrances que Dieu permet dans nos vies, c’est aussi éviter la gloire qui l’accompagne. Je sais qu’en théorie c’est une chose facile à dire et qu’en présence du rejet et de la souffrance, nous quémandons le secours et la délivrance de Dieu. Mais de grâce, encourageons-nous étirer nos regards juste un peu plus loin, là où la gloire de Dieu trouve sa pleine valeur dans nos cœurs.
Réal Gaudreault (Pasteur)
Église En Chemin
“La souffrance est le chemin qui conduit à la communion avec Dieu. La Croix est comme la noix : l’écorce en est amère, mais le fruit excellent.” Sadou* Sundar Singh, hindou reconverti à la foi chrétienne et ayant quitté son mode vie ascète
*Le sādhu ou Sadhou1,(du sanskrit साधु sādhu, « ayant atteint son but, homme de bien, saint homme ») est, en Inde, celui qui a renoncé à la société pour se consacrer à l’objectif de toute vie, selon l’hindouisme.