« Jamais homme n’a parlé comme cet homme »

Quelle différence y a-t-il entre la saine doctrine biblique et l’attitude doctrinaire qui plus souvent qu’autrement lui porte ombrage? Oui, cette approche intransigeante qui présente la vérité de telle sorte qu’elle éloigne les gens plutôt qu’elle ne les attire à Jésus-Christ. La vérité sans l’amour ne faire guère mieux que l’amour sans la vérité. Le défi qui se pose à nous n’est pas tant de réussir à maitriser la vérité, mais comment en parler avec la sagesse qu’inspire l’intelligence du Christ en nous.

La théologie est une discipline d’étude qui se donne pour objectif de préciser qui est Dieu à partir de l’Écriture seule. Toute autre source que l’Écriture est en soit suspecte voire, étrangère à cette discipline. C’est le combat que mènent depuis 2000 ans les plus grands érudits biblistes pour qui la mission consiste à recentrer toutes connaissances de Dieu autour de l’Écriture, unique source de vérité au cœur du contentieux extrabiblique.

Écouter, entendre et réfléchir

Au-delà de l’intention perspicace du théologien, il doit tout de même y avoir un espace qui créé la largeur nécessaire aux échanges féconds. Oui parce que ce qui permet le mieux de comprendre ce que l’autre comprend différemment, c’est un dialogue honnête, un dialogue que seule la curiosité, fruit de l’intelligence sait apprécier.

Prêter l’oreille, écouter attentivement et s’aventurer sur la voie de l’opinion qui diffère requiers une disposition à l’humilité qu’on ne retrouve pas chez tous. Risquer l’ébranlement en s’exposant aux certitudes de l’autre démontre une authentique recherche de la vérité. Au fond, tout ce qui pourrait être ébranlé mérite de l’être parce que l’acquisition du savoir se construit sur une succession d’ébranlements. On ne parle pas ici de relativisme théologique trempé dans l’ambivalence, mais d’une intention qui repousse les limites de la recherche du vrai. Celui qui cherche vraiment la vérité pose des questions alors que celui qui croit déjà la connaitre n’a que des réponses.

Comment traduire le savoir?

Mais ce qui m’interpelle davantage en ce moment n’est pas tant de savoir comment on parvient à maitriser avec justesse l’ensemble des grandes doctrines bibliques mais plutôt, ce qu’on en fait concrètement. Comment on interprète dans la vie réelle cette connaissance sans qu’elle se traduise en données brutales. J’entends par là que le plus grand défi n’est pas d’apprendre et connaitre des doctrines mais de les vivre et les appliquer avec l’intelligente douceur du Christ tel que l’Évangile nous le fait voir dans son humanité.

Quand je suis appelé à traiter d’un enjeu théologique à l’église, je me demande souvent comment Jésus en aurait parlé à ma place. Comment s’y est-il pris avec les femmes et les hommes de sa génération? Quand je vois dans les évangiles des foules nombreuses l’écouter avec passion pendant des heures, voire des jours, alors, je constate que le Seigneur, à la différence des docteurs de la Loi n’était pas un doctrinaire obtus mais un Dieu fait homme d’agréable compagnie.  

Certes, Jésus est le Dieu incarné dont la capacité à communiquer fut sans égal en ce monde. Et qu’en a-t-il fait? Tout ce que nous pouvons en dire est que toutes les fois où il ouvrit sa bouche, il provoquait l’étonnement et l’admiration. Jésus parlait avec autorité sans tomber dans l’autoritarisme, il était libre de toute crainte des hommes sans que cette liberté ne dégage le moindre soupçon d’arrogance. Il connaissait toute chose et pourtant, on ne le voit jamais utiliser son savoir pour humilier les gens de petite vie trop peu instruits.

Aussi curieux que cela puisse paraitre, c’est en présence du plus savant des hommes que femmes et hommes de son temps ont trouvé le plus de paix et de bienêtre. Comme l’on dit les disciples sur le chemin d’Emmaüs « Notre cœur ne brûlait-il pas au dedans de nous, lorsqu’il nous parlait en chemin et nous expliquait les Écritures ? » (Luc 24 : 32) Jésus est « le chemin la vérité et la vie », certes, mais ces trois grandes réalités se sont traduites en attitude de compassion dans ses relations humaines.

Hommes, femmes et foules n’avaient pour Jésus qu’admiration comme le dit Esaïe le prophète : « Cela aussi vient de l’Éternel des armées; Admirable est son conseil, et grande est sa sagesse. » (Es 28 : 29). Jésus est l’Admirable conseillé qui provoquait l’admiration. Être écouté, entendu et reçu par le Fils de Dieu trois fois saints, quelle expérience extraordinaire ça dû être pour des gens de mauvaises vies qui se voyaient comme des moins que rien. Dire la vérité sans compromis mais sans la vider de l’amour incommensurable de Dieu, voilà qui fut Jésus au regard de ces foules sans bergers.

Quelques exemples

En Jean 7 alors que des huissiers envoyés par « les principaux sacrificateurs et les pharisiens » sont venus pour l’arrêter, ils en furent incapables parce que disaient-ils : « Jamais homme n’a parlé comme cet homme. Les pharisiens leur répliquèrent : Est-ce que vous aussi, vous avez été séduits ? » Jn 7 : 46-47

En Mathieu 7, alors qu’il vient d’achever la parabole de la maison bâtit sur le roc, l’évangéliste ajoute : « 28 Après que Jésus eut achevé ces discours, la foule fut frappée de sa doctrine; 29 car il enseignait comme ayant autorité, et non pas comme leurs scribes.» Mt 7 : 28-29

Et que dire de son discours dans la synagogue de Capernaüm en Marc 7 où il est dit : « 21 Ils se rendirent à Capernaüm. Et, le jour du sabbat, Jésus entra d’abord dans la synagogue, et il enseigna. 22 Ils étaient frappés de sa doctrine; car il enseignait comme ayant autorité, et non pas comme les scribes.» Mc 1 : 21-22

Ceux qui l’écoutent sont frappés par la force de sa doctrine et pourtant, rien de ce qui sort de sa bouche n’a de résonnance doctrinaire. Jésus parle avec autorité et ceux qui l’écoute ne sont pas indisposés par le ton de sa prestance, au contraire.

Sinon les doctrinaires

Les évangiles nous rapportent aussi des situations houleuses où sa Parole s’est heurtée à la résistance des pharisiens et les docteurs de la Loi. Ceux-là même qui maitrisaient le savoir théologique en Israël sont ceux qui ont déposé contre Jésus les pires accusations. Pourquoi? Parce que le savoir théologique ne garanti pas l’intelligence et le discernement spirituel. L’élite d’Israël ne savait pas traduire en acte de compassion tout le savoir accumuler sur des siècles d’études par les grands Rabbins Juifs. Tout ce que ce savoir à produit en eux est une attitude doctrinaire qui faisait trembler le peuple.

À deux reprises en Mathieu Jésus reproche aux dirigeants Juifs de n’avoir jamais compris que la raison même de la révélation biblique est de produite un cœur de compassion et de miséricorde. Alors que Jésus mangeait avec des gens de mauvaise vie des pharisiens murmuraient entre eux en se montrant indigné de le voir manger à la table des pécheurs. Et Jésus de leur répondre :  

« Allez, et apprenez ce que signifie : Je prends plaisir à la miséricorde, et non aux sacrifices. Car je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs. » (Mt 9 : 13)

En Mathieu 12 : 7, alors que ses disciples mangeaient des épis de maïs le jours du sabbat, les pharisiens s’en prirent à Jésus en disant : « il n’est pas permis d’agir de la sorte le jour du sabbat ». Mais Jésus leur répondit : « Si vous saviez ce que signifie : Je prends plaisir à la miséricorde, et non aux sacrifices, vous n’auriez pas condamné des innocents. » 

En Jésus nous découvrons un Dieu qui prend plaisir à la miséricorde. Si donc vous vous sentez indigne de Dieu, sachez que Jésus prend plaisir à répandre sur vous sa pleine miséricorde.

Conclusion

Loin de moi l’idée d’excuser l’ignorance théologique sous prétexte que la connaissance recèle quelques fois une part d’égarement. La solution n’est pas dans la stricte acquisition de la connaissance théologique, mais dans la réflexion autour de l’usage que nous faisons de ce savoir. Or, dès que ce savoir produit en nos cœur l’éloignement et le mépris des gens ordinaires, déjà on se trouve sur la voie de l’égarement.

(R.G.)

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1 Comment

  1. Si pour l’homme la connaissance (gnose) est une montagne qu’il peut hisser et se prétendre à la hauteur de la situation, soit !
    Dieu a justement des pieds pour lui rappeler que c’est sous ces derniers qu’elle se trouve… et doit y rester.

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