La laïcité, “une interprétation fallacieuse de la neutralité de l’Etat”
Fondateur de la sociologie de la laïcité, dont il est l’un des spécialistes internationaux, Jean Baubérot met en garde: le combat pour la défense des valeurs de la France laïque glisse peu à…
Il est clair que des évènements comme l’attentat contre Charlie Hebdo et plus près de nous au Canada, l’incident de Saint-Jean sur Richelieu et celui au Parlement d’Ottawa sont condamnables au plus haut point. Comme société on ne doit pas laisser des extrémistes religieux s’imposer par la menace et la violence. Là-dessus, on est tous unanimes. Ça saute aux yeux, non? Vous voyez comme il est facile de faire l’unanimité lorsque les évidences crèvent les yeux. Mais dans le débat entourant la Charte de la laïcité, tout n’est pas aussi évident cependant. Voici deux points sur lesquels l’ambigüité demeure.
1. Qu’est-ce qu’un extrémiste religieux?
Depuis près de deux mois, on nous répète qu’il faut mieux prévenir les actes des extrémismes religieux, mais personne n’est encore en mesure de nous dire de quoi on parle exactement. Bien sûr, des fous armés qui tuent des innocents sont clairement des extrémistes, mais où se trouve la limite qui permet à une personne religieuse de pratiquer sa religion sans pour autant être taxé d’extrémiste? Certains des membres du Mouvement Laïc québécois (MLQ) nous disent que le baptême des bébés chez les catholiques relève d’une forme de fanatisme extrémiste. Le chef de la CAQ, François Legault déclare, de son côté, que les gens qui s’opposent au mariage entre personnes de même sexe font preuve d’extrémisme religieux. Paul Arcand et Patrick Lagacé affirmaient dernièrement que les opposants à l’avortement sont également des extrémistes religieux. Vous voyez le problème?
Voyez-vous bien où cela nous mène? L’extrémisme et le fanatisme ne sont pas seulement l’affaire de quelques fous en liberté, mais aussi de toute personne qui exprimerait une opinion inspirée par un arrière-plan religieux. Autrement dit, l’unique manière de ne pas être un fanatique religieux serait de plus être religieux du tout, donc être athée? L’autre option serait d’être des chrétiens invisibles aux regards de ceux qui ne tolèrent plus le phénomène religieux.
Tous ceux qui imposent un discours antireligieux de la sorte ne sont-ils pas eux-mêmes des fanatiques en quelque sorte? Car, ne l’oublions pas, le fanatisme n’est pas seulement l’affaire des gens religieux, il est de plus en plus laïc et capable des mêmes bêtises. Tous ces politiciens et les journalistes qui les accompagnent dans cette lutte contre la croyance religieuse font ce qu’on appelle, une récupération idéologique à des fins politiques. Ils aiment bien la liberté d’expression, certes, mais ils ne reconnaissent pas ce droit pour tous les citoyens. Ce n’est pas la liberté d’expression qui est un danger dans nos sociétés, mais ceux qui se donnent le droit et les moyens de priver de ce même droit tous ceux-là qui ne pensent pas comme eux.
2. Qu’est-ce que la laïcité?
Le second questionnement qui soulève bien des ambigüités concerne la laïcité, concept selon lequel on assiste à la séparation de l’Église de l’État. Ainsi, par exemple, même si un premier ministre est chrétien, ses croyances religieuses ne doivent pas dicter la manière avec laquelle il gère l’État. En principe, on est tous d’accord avec cette idée. Mais dans les faits, elle est difficilement applicable, car ceux qui détiennent le pouvoir ne peuvent pas faire totalement abstraction de ce qu’ils pensent et de ce qu’ils sont intérieurement dans leur conscience. La même difficulté se pose pour un premier ministre qui serait athée. Comment pourrait-il ne pas apprécier des politiques qui s’inspirent des milieux humanistes athées? D’ailleurs, c’est ce que nous observons actuellement.
On reproche souvent à l’Église d’avoir exercé un contrôle trop absolu sur la population québécoise dans le passé. C’est elle qui fixait les interdits par le biais de ses dogmes et qui donc, influençait les milieux politiques. La Révolution tranquille à forcé la séparation des pouvoirs religieux du politique en vue d’assurer la neutralité de l’État en matière de liberté religieuse. Mais voilà, la neutralité de l’État n’est toujours pas respectée si des humanistes athées au pouvoir imposent au monde religieux leurs propres dogmes antireligieux. À partir du moment où un pouvoir (quelconque) utilise l’espace public comme lieu pour affirmer aux autres pouvoirs que ce même espace public leur sera désormais interdit, on retombe dans la bêtise.
Un clergé laïciste
Ce n’est pas une société laïque que nous propose François Legault et plusieurs de ses confrères politiciens, mais une société laïciste, c’est-à-dire, une société gouvernée par des humanistes athées qui imposent leur rectitude à la manière d’un clergé de type dogmatique. Ce que M. Legault propose est un projet de Loi pour lutter contre l’extrémisme religieux qui se veut tout aussi extrémiste que l’extrémisme qu’il prétend vouloir empêcher. Interdire à des gens de penser par eux-mêmes et les forcer à adopter le discours officiel de l’État est une forme de totalitarisme aussi détestable que tous les discours totalitaires, qu’il soit religieux ou politiques. Désormais, un vrai citoyen québécois ne pourrait plus être autre chose qu’une personne qui accepte intégralement le discours officiel de la rectitude laïciste.
Si on interdit aux chrétiens d’exprimer leurs opinions sur l’espace public, alors, nous ne sommes plus dans une société libre et démocratique. Nous voilà dans une athéocratie.
L’article dont j’ai mis le lien au début de ce texte montre bien qu’une société libre et démocratique n’a pas le droit d’interdire à sa population, religieuse ou non de s’exprimer librement sur l’espace public. Cette liberté fait partir de la libre expression, valeur de la plus haute importance dans une démocratie libérale. Mais voilà, nous nous dirigeons plutôt vers un athéocratie totalitaire.
Réal Gaudreault
Poster un Commentaire