L’étrange positivisme des chrétiens

 

 

L’Évangile est-il un message positif dans le sens ou rien de négatif ne devrait travestir le témoignage de ceux qui l’annoncent? En fait, le message de l’Évangile n’est ni négatif ni positif. De l’avis de l’apôtre Paul, « c’est une puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit.[1]» L’Évangile n’est pas en tant que tel un message destiné à plaire à ceux qui le refusent. Il est la vérité, et c’est en tant que vérité qu’il détient toute sa puissance pour le salut de ceux qui sont appelés selon le dessein de Dieu.

Une ère désormais révolue

L’évidence crève les yeux : l’ère du christianisme est désormais révolue. Les gouvernements qui se succèdent à la tête de nos États sont résolument à genoux devant les politiques libérales des Nations unies qui guident législativement la montée d’un discours humaniste athée qui mène à l’extinction des valeurs chrétiennes en Occident? C’est dans cette perspective qu’on ne pourra plus prochainement affirmer que le mariage est l’affaire d’un homme et d’une femme sans qu’une telle affirmation soit décrite comme haineuse à l’endroit des homosexuels. L’éthique des grands scribes onusiens le veut ainsi.

Les chrétiens ont-ils ont un problème avec l’homosexualité? S’il y a une question qui tue, c’est bien celle-ci. Dans les faits, il est clair que l’Écriture n’approuve pas l’homosexualité et, de ce fait, les chrétiens ne peuvent l’approuver non plus. Mais il faut tout de même moduler cette réponse. L’Écriture désapprouve cette pratique au même titre qu’elle désapprouve toutes les autres conduites (péché d’inconduite sexuelle) contraires à son message. Et le moyen pour obtenir le pardon reste le même pour tous : la grâce de Dieu seule.

Citoyens des cieux et citoyens d’un pays

Nous sommes des chrétiens, mais nous sommes également des citoyens membres de la société civile de nos pays, lesquels adopte des règles législatives qui garantissent à chaque individu le droit et la liberté de vivre selon ses valeurs en toute quiétude. Voilà pourquoi ma posture de citoyen ne m’empêche nullement de reconnaître politiquement et socialement le droit des homosexuels de vivre librement selon l’orientation sexuelle qui est la leur. Mais aussi, les valeurs de l’Évangile ne m’autorisent pas non plus à décréter l’abolition du droit et libertés des homosexuels. Annoncer l’Évangile ne consiste pas à interdire aux non-chrétiens d’être ce qu’ils sont selon leur condition naturelle. L’Évangile est plutôt la bonne nouvelle du salut qui sauve les gens de leur condition naturelle.

Un virage plus rapide que prévu

Mais il y a un nouveau problème. Depuis quelques années, les puissants lobbys homosexuels militent farouchement auprès des instances politiques en vue de modifier les contenus législatifs pour obtenir des privilèges supplémentaires qui ne font pas consensus dans l’ensemble de la société civile. Par exemple, le nouveau programme d’éducation sexuelle leur permet de s’imposer dans les écoles québécoises pour faire la promotion de leur style de vie. Dans ce cas-ci, on a retiré aux parents tout droit d’être en désaccord avec cette démarche. La liberté des uns devrait normalement s’arrêter là où celle des autres commence, non? Cette affaire est un abus clair, une violation évidente de la liberté de conscience d’une partie de la population canadienne et québécoise. Nos gouvernements se font d’ailleurs les complices de cet abus.

Est-ce vraiment un problème?

Vous entendrez bien des chrétiens « bien-pensants » affirmer que ce problème ne devrait pas nous affecter dans la mesure où notre principal souci à nous est de garder le « focus » sur l’Évangile et son message positif de salut. C’est dans cette perspective apparemment théologique et christocentrique que le monde évangélique semble trouver son apaisement devant la montée des vents contraires. De façon simple, le message que cette posture amène est celui du discours « positif ». Il faut rester positif et ne rien dire qui pourrait déranger la quiétude des gens de ce monde pour éviter qu’ils aient des chrétiens une opinion négative. Ah oui, mais où trouvons-nous une telle idée dans l’Écriture?

Je sais, on me répondra par le texte de la lettre première de Pierre où il est écrit :

« 15 Mais sanctifiez dans vos cœurs Christ le Seigneur, étant toujours prêts à vous défendre, avec douceur et respect, devant quiconque vous demande raison de l’espérance qui est en vous, 16 et ayant une bonne conscience, afin que, là même où ils vous calomnient comme si vous étiez des malfaiteurs, ceux qui décrient votre bonne conduite en Christ soient couverts de confusion. 17 Car il vaut mieux souffrir, si telle est la volonté de Dieu, en faisant le bien qu’en faisant le mal.[2] »

Ce texte ne traite pas du caractère positif de l’Évangile, mais de la qualité de la conduite des chrétiens lorsque vient le moment de défendre leur foi auprès des incroyants. Qui plus est, au verset 17, Pierre n’exclut nullement la possibilité de souffrir si « telle est la volonté de Dieu ». L’attitude de douceur et de respect qu’il nous demande d’afficher devant les incroyants n’est pas une mise en scène astucieuse pour séduire positivement les incroyants,  mais bien plutôt l’affirmation de la vérité dans une attitude de douceur.

Aveuglement volontaire

Or, il n’y a rien dans l’Évangile qui présuppose que le message du salut soit exempt de tout contenu susceptible de déplaire aux gens de ce monde. Au contraire, l’Évangile est généralement une « folie pour ceux qui périssent.[3] » Bien sûr, nous désapprouvons le comportement de certains chrétiens qui expriment leur foi par des coups de gueule qui ne manifestent rien de plus que de la colère et du mépris. Bien entendu, l’Évangile est une bonne nouvelle qui annonce l’amour de Dieu pour un monde qui périt. Mais rien dans ce message ne dit qu’il faille lui donner des allures de romances positivistes en vue d’éviter son rejet. Le positivisme ne convertit personne, seule la vérité rend libre.

Les gens ne refusent pas l’Évangile parce que votre approche manque de bonne humeur, mais parce qu’ils sont séparés de Dieu à cause de leur condition pécheresse. Ce n’est pas en remaquillant le message au goût du jour qu’ils vont le recevoir davantage. C’est l’œuvre du Saint-Esprit de régénérer ceux que Dieu a choisis selon son dessein.[4]

Savoir dire non

En 1982, Francis Schaeffer présentait le « Christian Manifesto» qui explique fort bien la problématique sociale à laquelle l’Église est confrontée en ce troisième millénaire. Comment l’éducation est devenue l’arme de prédilection de l’humanisme athée (l’homme est la mesure de toute chose) pour installer un nouveau paradigme qui ouvre la porte à toutes les déviances du cœur humain. Pour Schaeffer, l’attitude gagnante pour répandre la bonne nouvelle du salut n’est certainement pas dans la recherche d’une version plus « soft » de l’Évangile, mais dans l’affirmation de la vérité telle que la Bible la proclame. Le positivisme chrétien n’est rien de plus qu’une autre forme de déviance derrière laquelle les chrétiens se cachent pour sauver leur réputation et obtenir une fausse faveur des gens de ce monde.

Il arrive des moments où il faut savoir résister, pacifiquement certes, mais résister en réaffirmant l’espérance (avec douceur et respect) de la vie éternelle qui nous est acquise par la pure grâce de Dieu. Il y a des moments où il faut savoir dire NON! C’est dans le courage d’une telle affirmation que plusieurs de nos contemporains trouveront la voie du salut, et non par la réduction positiviste du message de l’Évangile.

Réal Gaudreault (pasteur)

[1] Romains 1 : 16

[2] 1 Pierre 3 : 15-17

[3] 1 Corinthiens 1 : 18

[4] Éphésiens 1 : 4, Tite 3 : 5-7

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3 Comments

  1. Merci Réal pour cette exposée. Je n’étais pas au courant du concept de “positivisme” chrétien.

    Je me pose maintenant la question suivante: Lorsque vous mentionnez que certains chrétiens “bien-pensant” affirme que cela ne devrait pas nous affecter mais que le “focus” devrait être mis sur l’évangile et sur le message positif du salut, quels sont alors les autres options?

    Personnellement je trouve le message du salut extrêmement positif. Il permet d’amener une âme auprès de Dieu. Les anges font aussi le “party” quand cela arrive.

    D’autre part, ce que je trouve très négatif, c’est la colère grandissante de nombreux chrétiens envers cette époque, ce siècle présent.

    Dernièrement, en pleine discussion avec des femmes chrétiennes sur l’avortement, je me suis fais taxé d’être un non-chrétien parce que je les ai réprimandé sur leur attitudes envers pleins de personnes sur leur propre post qui leur mentionnait qu’ils se sentaient jugé par elles.

    Ces histoires arrivent très fréquemment sur les médias sociaux. Et je trouve cela très honteux. D’ailleurs, ces femmes m’ont profondément blessé. J’ai appris la valeur de cette expression anglaise : “Never wrestle with a pig. You both get dirty and the pig likes it”

    Comme vous l’avez dis vous-même, l’époque du christianisme est révolue. Mais très peu de chrétiens le voient comme une opportunité d’amener la grâce. Vous voyez, j’ai l’exemple suivante dans ma tête: Des pompiers qui essaient de combattre une maison en arrosant le haut des flammes.

    Les chrétiens manifestent selon moi une très grande angoisse et sont effrayés. La manifestation de leur frayeur et de leur colère se voient partout sur les média sociaux. Autant dans les commentaires et sur leur propres posts.

    La prochaine question que je me pose: avons-nous été pris par surprise des événements qui arrivent? Qu’est-ce que les pasteurs ont-ils enseigné afin d’avoir des chrétiens si effrayés et colérique du siècle présent?

    Un jour, un pasteur, Jacques Tanguay, m’a enseigné un concept intéressant: Ça prend toute une vie pour enseigner la grâce mais quelques jours pour tomber dans le légalisme.

    Et comme disait un auteur que vous m’avez fait connaître il y a longtemps, M. Bonhoeffer, ce dernier mentionnait que pour lui, le contraire de la liberté n’était pas l’emprisonnement mais la sécurité.

    Et selon moi, le légalisme est simplement une représentation d’une très grande insécurité mal géré.

    Permettez-moi ce dernier commentaire: À l’heure actuel, ce n’est pas la société que nous devrions juger. C’est nous-même.

    Rappelons-nous des fruits de l’esprit qui sont produit et essayons de toute nos forces à aimer. Pour moi, tout cela est bien positif.

  2. Une étonnante exhortation !
    «En 1982, Francis Schaeffer présentait le « Christian Manifesto» qui explique fort bien la problématique sociale à laquelle l’Église est confrontée en ce troisième millénaire(…) Pour Schaeffer, l’attitude gagnante pour répandre la bonne nouvelle du salut n’est certainement pas dans la recherche d’une version plus « soft » de l’Évangile, mais dans l’affirmation de la vérité telle que la Bible la proclame.»

    Extraits de «A Christian Manifesto – Dr. Francis Schaeffer Lecture»

    «Selon la définition humaniste des choses : l’homme n’est qu’un amas d’énergie et de matière » (ne pas confondre avec le terme «humanitaire», ce à quoi les chrétiens ne s’opposent pas, précise-t-il)
    «Le relativisme et l’humanisme conduisent à une inconsidération de la vie (dont la pratique de l’avortement en est une expression), la perte des valeurs morales (ex : racisme), et où tout est admis au plan moral»
    -«Il y a de la stupidité chez les chrétiens face à cette dérive (on prie avant les congrès, on prie avant les événements importants…mais en ce qui concerne nos enfants, eux, où est la prière avant un cour de géographie, par ex. ?) ʺNous sommes stupides !ʺ(…) ʺnous ne sommes pas seulement immoral, nous sommes stupides d’agir ainsiʺ. ʺEt je ne sais pas lequel est le pire…ʺ. ʺLe seul mot qui s’applique à ce qui nous guette en agissant de la sorte : la tyrannie (…) c’est ce à quoi nous sommes confrontés à cause de cette inertieʺ
    -«…tous souhaitent un réveil spirituel. Mais rappelons que dans tout réveil spirituel, il y a 3 phases. 1-La conversion des cœurs, 2- l’engagement des cœurs puis il faut savoir 3- qu’il y a un changement social qui en résulte. Je n’ai pas vu cela.»
    -ʺDepuis une quarantaine d’années, l’Église a échoué à ses obligations morales pour deux raisons : 1-une conception de la spiritualité qui ne rejoint pas les cœurs de chacun, 2-plusieurs ont craint de se manifester pour ne pas voir menacé dans leurs propres projetsʺ
    Devant une audience de 4 ou 5,000 ʺchrétiensʺ M. Schaeffer lance : ʺpourquoi êtes-vous chrétien ?ʺ (questionnant le manque d’implication pour oser mettre de l’avant les valeurs chrétiennes)
    Dans le 1er amendement de la Constitution, d’affirmer Schaeffer, il est question non d’imposer une théocratie (ce à quoi il dit s’opposer), mais bien plutôt celui d’imposer le respect des libertés individuelles. C’est l’assise sur laquelle les chrétiens doivent affirmer leur droit. Ils le peuvent …et ils le doiventʺ (pour l’éducation chrétienne dans les écoles publiques en l’occurrence).
    ʺCette «liberté individuelle» prévu par la Constitution et que plusieurs interprète comme un ʺlibre choixʺ des personnes…Imposture ! Ce dernier est un laissez-passer pour l’avortement et d’autres dérives morales que d’invoquer ce fameux ʺlibre choixʺ. Quand l’État autorise ces activités par ses décisions (judiciaires, politiques), il abroge l’autorité suprême de Dieu. C’est alors, non seulement le privilège du croyant, mais le devoir du croyant de désobéir à son gouvernement. L’Écriture ne déclare-t-elle pas : «Jugez s’il est juste, devant Dieu, de vous obéir plutôt qu’à Dieu» Actes 4.19 Certains détracteurs me diront : «Mais, l’Écriture n’enseigne pas à désobéir aux gouvernements !?» Comment expliquer, si vous connaissez bien votre histoire, que lors des premiers pas de l’apostolat chrétiens on les livrait aux lions. Quand on sait qu’ils étaient excluent des Agora romaine parce qu’ils (contrairement à l’ordre des Césars) refusaient de reconnaître l’autorité suprême des Césars; sous l’Empire de Rome, les citoyens pouvaient pratiquer tous les cultes qu’ils désiraient, mais ils devaient reconnaître César comme seule autorité suprême.ʺ
    Après avoir expliqué comment, après fait le tour du monde, il a observé que pour plusieurs de ces peuples christianisés, il a fallu que des hommes luttent et désobéissent à des gouvernements humains à un certain moment de l’histoire (ré : réforme)
    ʺS’il l’Église n’est pas prête à aller jusqu’à désobéir à l’État (pour défendre sa foi), c’est que ce même État a remplacé le Dieu véritable. Ce qui signifie autrement, que cet État vient de créer un faux-dieu ʺ
    ʺAprès avoir usé de tous les recours légaux et avoir saisie les autorités compétentes, la désobéissance civile peut être envisagé, c’est une option pour le croyant. Si vous n’êtes pas prêt à envisager cela, Christ n’est plus sur son trône, Dieu n’est plus souverain. Vous vous êtes fait un faux-dieu. Jésus est le Seigneur, pas la société, ni Césarʺ
    À la toute fin de son enseignement, M Schaeffer a prié «que tu pardonnes Seigneur le silence de l’Église depuis 40 ans…»

    Frères et sœurs usons de circonspection en ces temps difficiles !

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