L’Église, une impossible aventure, et pourtant…

Lorsqu’en 1990 on m’a envoyé au Saguenay pour implanter une église, j’étais habité par deux sentiments contradictoires : d’une part, j’avais la tête pleine d’idées et j’étais confiant que mon équipe et moi allions faire des grandes choses pour Dieu. Mais souvent aussi, j’étais angoissé à l’idée qu’un tel défi repose sur mes faibles épaules. Pour être honnête, c’est ce deuxième sentiment qui n’habitait le plus souvent. J’étais alors un jeune pasteur, mais au fond de moi, je ne savais pas vraiment ce qu’était un bon pasteur. J’étais très loin de ressembler aux hommes qui me servaient de modèle, auprès d’eux, j’avais l’impression d’être un intrus, voire même, un imposteur.

Au cours des premières années, j’étais ballotté entre l’ivresse des quelques succès que remportait mon église et la déprime profonde causée par les périodes de sécheresse où plus rien de bon n’arrivait. Dans ces moments d’angoisses, j’avais l’impression que les gens de mon église regardaient à moi pour que quelque chose de brillant arrive. Mais rien, j’avais les mains vides et la tête dans un brouillard épais. Oui, j’avais toujours quelques projets en tête pour faire bouger les choses, mais rien des très innovants. Mes faiblesses humaines et mes incapacités m’ont un jour amené à dire : « Dieu, tu as fait une erreur en m’envoyant ici, c’est impossible que ça marche avec quelqu’un comme moi. »

Tu as raison, c’est impossible

Curieusement, c’est en prenant conscience de mes incapacités viscérales à servir Dieu que j’ai compris qu’il était humainement impossible à l’homme de faire l’œuvre que Dieu demande de lui. Je sais, c’est un peu bizarre comme idée, mais Dieu à fait en sorte de réunir toutes les conditions perdantes pour qu’humainement parlant, il soit impossible à l’homme de faire son œuvre.

Je m’explique, imaginez qu’on vous invite à une formation pour être représentant d’une nouvelle entreprise qui veut mettre un nouveau produit sur le marché. On vous fait asseoir confortablement, puis la présentation commence ainsi :

  • Le fondateur a été condamné à mort parce qu’il se prenait pour Dieu
  • Certains disent qu’il est ressuscité
  • Son produit s’adresse à des hommes, des femmes et des enfants
  • Mais lui-même ne s’est jamais marié
  • Ah oui, il parait que sa mère était vierge
  • Parmi ses meilleurs représentants, il y a des marins, un collecteur d’impôt malhonnête et il a confié la bourse à un voleur et un traitre.
  • La clientèle ciblée est constituée de gens faibles, vils et méprisables
  • Les clients grecs disent que son produit est une pure folie
  • Les clients juifs, eux, disent plutôt que son produit est scandaleux
  • Personne n’a jamais vu le fondateur sinon quelques-uns il y a 2000 ans
  • Certains pensent même qu’il n’a jamais existé

Comment réussir à représenter avec succès une telle entreprise?

L’Évangile est-il pertinent?

Dans le sens où l’Évangile révèle l’œuvre de Christ à la croix, non seulement il est pertinent, mieux encore, il est la chose la plus extraordinaire qui puisse exister sur Terre. Mais cela, il n’y a que les élus qui puissent en admirer toute la beauté, car en réalité, cette beauté est cachée à ceux qui périssent.

« 15 Nous sommes, en effet, pour Dieu la bonne odeur de Christ, parmi ceux qui sont sauvés et parmi ceux qui périssent : 16 aux uns, une odeur de mort, donnant la mort; aux autres, une odeur de vie, donnant la vie. Et qui est suffisant pour ces choses ?[1] »

Pour ceux qui périssent, l’Évangile est une absurdité grotesque. J’ai compris un jour que mon rôle de pasteur ne consistait pas à remaquiller son message au goût du jour pour le rendre absolument plus attrayant. Certes, je peux et je dois l’actualiser pour le rendre compréhensible aux gens de ma génération, mais jamais je n’aurai le pouvoir de le révéler par la force de mes arguments. C’est l’œuvre de Dieu par le Saint-Esprit qui transforme cet étrange message impopulaire en une révélation irrésistible.

Le confort dans l’impossible

Implanter une église est une aventure impossible et c’est là tout le secret de sa réussite. C’est précisément parce que c’est humainement impossible que ceux que Dieu appelle à vivre cette grande aventure demeurent dans le repos. Si c’était humainement possible, il faudrait prendre sur soi tout le poids de la réussite et le mener à terme. Ceux qui œuvrent avec Dieu dans cette attitude vont échouer.

L’église est une aventure impossible pour l’homme parce qu’elle est l’œuvre de Dieu sur Terre. Sa survie ne dépend pas de nous, car ce n’est pas nous qui la bâtissons. « Et moi, je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Église, et que les portes du séjour des morts ne prévaudront point contre elle.[2] »

Conclusion

Quel est donc notre rôle dans cette grande œuvre? Une chose est certaine quant à moi, nous ne sommes pas appelés à trafiquer l’Évangile pour le rendre acceptable au regard de l’homme de notre génération. C’est Dieu qui ouvre les yeux des aveugles et qui fait en sorte qu’ils le suivent. Nous notre rôle est d’être ses témoins. « Mais vous recevrez une puissance, le Saint-Esprit survenant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre.[3] »

Real Gaudreault

[1] 2 Corinthiens 2, 16-17

[2] Mathieu 16, 18

[3] Actes 1, 8

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3 Comments

  1. Voilà un message étonnant et qui détonne.
    Une époque comme celle que nous traversons, alors que la génération Y en est une d’entreprenariat, ce genre d’attitude de “chef d’entreprise” est discordante. Alors que tout se mesure en succès et en performance; alors qu’on optimise le rendement du travail au quart de tour, votre propos peut même choquer. Je crois que vous visez juste en déclarant que ceux qui s’engagent dans “l’entreprise” de Christ, doivent «vivre cette grande aventure en demeurant dans le repos.»…sinon c’est l’échec. À chaque fois qu’un disciple s’arroge la gloire de l’œuvre qui est devant lui, il fait ombrage à son Maître. Il court alors le risque d’être disqualifié s’il ne s’en repent et ne reconnait pas que les véritables résultats spirituels n’ont rien à voir avec sa force de travail ou ses idées.

    L’histoire de l’humanité nous montre que dès l’origine depuis la Chute adamique, l’homme cherche à se remettre au centre de l’attention. Il aime bien montrer SES capacités (son travail, ses talents, sa religiosité, ses réussites etc). Le travail est bon certes (il est la conséquence de la Chute ne l’oublions pas), tant qu’il est un moyen pour nous dégager du temps afin de se recentrer sur notre Dieu. L’histoire nous montre que ce même labeur est aussi un piège qui nourri l’égo, éloigne de Dieu voire, tue. Caïn en est l’archétype par excellence (priez et relisez bien le récit, c’est frappant de vérité).

    Christ a lancé une entreprise sur des bases qui, à vue d’homme, ne pouvaient que conduire à la faillite. Et pourtant, miraculeusement (au sens propre du terme), son message et sa personne ont traversés les siècles envers et malgré les tentatives de freiner son œuvre. Parfois, il faut dire que les institutions qui disaient le représenter, ont usé de la violence. Que ce soit par prétexte ou en vérité, il n’en demeure pas moins que le message écrit et sa proclamation sont demeurés intacts (sauf exception ex: version Watchtower). Il est toujours annoncé à travers le monde. C’est un fait franchement renversant.
    Ceci dit M Gaudreault, vous faite ressortir une dimension cruciale quant au fait que rien de bon ne peut venir de l’homme sinon, ce que Dieu ordonne et réalise en utilisant des hommes, des femmes et même parfois des enfants (sans compter sa création et surnaturellement, un âne qui parle…v. le récit de Balaam et Balak). Il est très ardu de s’attendre à Dieu alors que l’entourage, la communauté, nos employeurs, en fait, l’ambiance est à l’efficacité et la productivité. Le gain et/ou l’appât du gain étant la suprême motivation dans nos sociétés modernes. Notre Dieu ne considère pas les choses du même œil et nous invite à considérer le repos (ne pas confondre repos et oisiveté bien entendu). Se reposer sur Lui, est en soi un miracle dans le contexte de pression dans lequel nous sommes plongés.
    Seigneur apprend-moi à me reposer en toi…et travailler par toi, jamais sans te rendre grâce pour toute capacité qui m’est accordée.
    Frères et sœurs repassons ses précieuses instructions et invoquons-le pour y entrer. Reposons-nous en Lui.

    «C’est pourquoi je vous dis: Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps, de quoi vous serez vêtus. La vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ? Regardez les oiseaux du ciel: ils ne sèment ni ne moissonnent, et ils n’amassent rien dans des greniers; et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ? Qui de vous, par ses inquiétudes, peut ajouter une coudée à la durée de sa vie? Et pourquoi vous inquiéter au sujet du vêtement ? Considérez comment croissent les lis des champs: ils ne travaillent ni ne filent; cependant je vous dis que Salomon même, dans toute sa gloire, n’a pas été vêtu comme l’un d’eux. Si Dieu revêt ainsi l’herbe des champs, qui existe aujourd’hui et qui demain sera jetée au four, ne vous vêtira-t-il pas à plus forte raison, gens de peu de foi ? Ne vous inquiétez donc point, et ne dites pas: Que mangerons-nous ? que boirons-nous ? de quoi serons-nous vêtus ? Car toutes ces choses, ce sont les païens qui les recherchent. Votre Père céleste sait que vous en avez besoin. Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu; et toutes ces choses vous seront données par-dessus. Ne vous inquiétez donc pas du lendemain; car le lendemain aura soin de lui-même. A chaque jour suffit sa peine. » Math 6
    «En vain vous levez-vous matin, vous couchez-vous tard, Et mangez-vous le pain de douleur; Il en donne autant à ses bien-aimés pendant leur sommeil. » Ps127

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