L’égalité, une bonne idée qui divise

L’une des grandes valeurs qui a permis de faire progresser la qualité des rapports humains au cours des derniers siècles est l’égalité.   C’est l’une des grandes idées défendue par les encyclopédistes du XVIIIe siècle en France[1].  Et pour cause, les inégalités qui ont prévalu au cours des siècles ont causé des ravages énormes tels que l’esclavage par exemple.  C’est en côtoyant des peuples où les inégalités persistent jusqu’à présent que l’on apprécie davantage la qualité de vie dans un État de droit où tous les citoyens jouissent des mêmes privilèges devant la loi.  Donc, vive l’égalité.

De l’égalité à l’égalitarisme

Mais comme c’est souvent le cas, lorsqu’on abuse d’une bonne chose, il arrive qu’elle devienne un digeste.   Dans un article intitulé L’égalitarisme n’est pas à confondre avec l’égalité, Thibault Doidy de Kerguelen mentionne que : « L’égalitarisme est une doctrine qui annihile l’aspect « devoir » de l’égalité pour ne retenir que sa composante « droits ». Dès lors, déconnectant l’un de l’autre, l’égalitarisme proclame que l’égalité n’existe que lorsque tous les hommes jouissent des mêmes prérogatives et des mêmes moyens[2]  Cette affirmation ne plaira pas aux syndicalistes prosocialistes, mais peu importe, elle révèle tout de même le lieu de fracture entre une saine gestion de l’égalité et l’égalitarisme qui aujourd’hui contamine nos structures sociales.

Autre son de cloche

La Bible n’est pas contre l’égalité, bien au contraire elle affirme cette valeur comme étant un fait de la création divine.  Les hommes de toutes races et de tous peuples sont égaux en dignité devant Dieu, non à cause d’une valeur qui leur viendrait de leur appartenance ethnique ou de leur classe sociale, mais bien parce qu’ils sont désirés et aimés de Lui.  Mais à la fois, la Bible n’affirme pas pour autant que tout soit égal.  Autrement dit, l’Écriture ne sombre pas dans l’égalitarisme.  Sur le plan des relations humaines, elle insiste plutôt sur la complémentarité qui est une richesse encore plus grande.  Plus grande parce que la complémentarité additionne les compétences alors que l’égalitarisme isole l’homme dans la solitude de ses droits individuels.

L’égalité poussée à sa limite provoque la division, car en protégeant son individualité, l’homme n’a plus que pour principale raison de vivre que la défense de l’exercice de ses droits. L’égalitarisme force l’homme à continuellement protéger ses droits contre le droit des autres individus qui possèdent ce même privilège. Mon droit à l’égalité n’est plus une richesse pour les autres, mais une protection de mon individualité contre celle de l’autre.  Un individu gagné à l’égalitarisme voudra bien aider son prochain, mais à la seule condition que cela n’affecte en rien les acquis qui le maintiennent dans le juste équilibre des ses droits. Etre égaux nous confine tous à rester un et seul avec soi-même, isolé et protecteur de ses acquis.

La complémentarité biblique

La complémentarité biblique ne divise pas, mais additionne les différences en vue de l’harmonisation du plus grand nombre.  Le mariage chrétien montre bien la force de la complémentarité entre la femme et l’homme.   Par exemple, mon épouse et moi ne sommes pas égaux dans les fonctions que nous incombe cette alliance sacrée.  Chacun de nous apporte quelque chose que l’autre ne possède pas.  C’est bien grâce à ces nombreuses différences qui nous distinguent que nous sommes capables de générosité dans le rapport de l’amour mutuel auquel nous sommes invités.  Nous sommes différents et inégaux, et c’est là ce qui fait toute notre richesse commune.  Oui, nous mettons nos différences au service de notre union en vue de voir se multiplier les effets de cette réalisation.  Nous sommes riches et heureux justement parce que nous sommes si différents.  Nous nous complétons.

L’erreur de l’égalitarisme dans l’Église

Un des problèmes souvent rencontrés dans les églises de notre temps vient du mépris du principe de la complémentarité au profit de l’égalitarisme.  Les vocations qui bâtissent cette noble institution divine sont regardées comme des fonctions ouvertes à tous au nom du droit de chacun d’en disposer comme bon lui semble.  Chercher sa vocation en fonction du plan de Dieu est une démarche peu enviable, car les chrétiens carburent davantage au respect du droit qu’ils croient détenir de pouvoir choisir pour eux-mêmes ce qui les conduirait vers leur épanouissement individuel.   Le désir d’occuper la fonction d’ancien, par exemple, est pour bien des hommes une convoitise qui aliène le rapport d’unité qui devrait prévaloir sur tout le reste dans l’Église.  Mais voilà, dans une société vaincue par les valeurs narcissiques issues du monde postmoderne, les chrétiens arrivent mal à échapper aux appétits voraces du pouvoir que recherche l’homme naturel.

Pourtant l’Écriture…

Pourtant l’Écriture nous apprend que les rôles et les appels de Dieu dans l’Église ne sont pas égaux dans le sens de l’égalitarisme mondain.  Jésus averti que dans son royaume, certains se voient confié 5 talents, d’autres 2 talents et d’autre seulement 1 talent.[3]  Que dire de la parabole des ouvriers de la onzième heure qui se voient remettre un salaire égal à ceux qui ont travaillé depuis le matin?  Le salaire est certes égal ici, mais pas l’effort en terme d’heures travaillées.[4]

Le Corps de Christ

Et que dire des écrits de l’apôtre Paul qui présente la richesse du Corps de Christ à travers les appels, les dons et les charismes qui sont distribués sans égard au principe de l’égalitarisme postmoderne.

« 20  Maintenant donc il y a plusieurs membres, et un seul corps. 21  L’œil ne peut pas dire à la main : Je n’ai pas besoin de toi ; ni la tête dire aux pieds : Je n’ai pas besoin de vous. 22  Mais bien plutôt, les membres du corps qui paraissent être les plus faibles sont nécessaires ; 23  et ceux que nous estimons être les moins honorables du corps, nous les entourons d’un plus grand honneur. Ainsi nos membres les moins honnêtes reçoivent le plus d’honneur, 24  tandis que ceux qui sont honnêtes n’en ont pas besoin. Dieu a disposé le corps de manière à donner plus d’honneur à ce qui en manquait, 25  afin qu’il n’y ait pas de division dans le corps, mais que les membres aient également soin les uns des autres. 26  Et si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui ; si un membre est honoré, tous les membres se réjouissent avec lui. 27 Vous êtes le corps de Christ, et vous êtes ses membres, chacun pour sa part. »[5]

N’est-ce pas l’aspect complémentaire qui est décrit comme la plus belle richesse de l’Église qui est le Corps de Christ.  Ici, chacun a besoin de l’autre pour que l’Église puisse exister, et ce, non en fonction des droits individuels, mais pour l’avantage d’une réussite collective.

Réal Gaudreault

[1] Diderot, d’Alembert, d’Holbach, Jaucourt, Rousseau, Turgot, Voltaire, etc.

[2] http://www.contrepoints.org/2014/09/28/182603-legalitarisme-nest-pas-a-confondre-avec-legalite

[3] Mathieu 25: 14-30

[4] Mathieu 20: 1-16

[5] 1 Corinthiens 12: 20-27

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