Le pastorat, un job de fou?

La croissance d’une église locale est l’objet de bien des questionnements en ce moment dans nos milieux évangéliques.  On veut plus d’églises et on veut plus de gens dedans.  Dans tout ça, l’augmentation du nombre des membres est de loin, la préoccupation principale des pasteurs implanteurs.  Est-ce normal?  Remarquez que je comprends fort bien cette convoitise puisque je l’ai moi-même ressenti et, pour être honnête, je l’ai à peine combattu en tant que pasteur.  Croyez-moi, le pastorat réveil en l’homme une ambition tout à fait comparable à celle qui motive les artistes et les gens d’affaires les plus ambitieux.  J’oserais même dire, une ambition dévorante.

Des motifs purs?

Évidemment, rien de tout cela ne parait, car la pureté des motivations oblige le pasteur à toujours dire « Gloire à Dieu » lorsqu’on le félicite pour les bonnes choses qui arrivent dans l’église.  Et à la différence des artistes, il serait mal venu de s’en attribuer le mérite.  En fait, j’irais même jusqu’à dire que l’une des premières tâches sur laquelle un pasteur doit absolument veiller est de s’assurer de ne jamais laisser paraitre qu’il est incapable de ne pas s’attribuer une certaine part de gloire malgré tout.  Humilité oblige, il n’a pas le choix de dire que toute la gloire est à Dieu seul. N’importe quel pasteur un tant soit peu honnête vous dira que c’est ainsi que ça se passe dans les cœurs.

Trouvez-vous que je suis trop sévère envers mes confrères pasteurs?  Suis-je en train de dire que le métier de pasteur pousse ces hommes à vivre dans une forme d’hypocrisie?   Non!  Je suis plutôt en train de dire que ce travail comporte des zones de complexités émotionnelles tout à fait uniques, voire même destructives parfois.  On s’attend d’eux qu’ils soient pleinement humains et spirituels tout en leur demandant de se distancer des réactions humaines communes au genre humain.

La mesure du succès

Lorsqu’une église connait des bons moments et que le nombre de membres augmente, tous diront « Gloire au Seigneur, à LUI SEUL la Gloire ».  Et lorsque l’église passe par des moments difficiles qui amènent une décroissance, on se tourne vers le pasteur, à LUI SEUL la faute?  Le problème vient de ce que nos églises sont bâties sur des modèles d’affaires qui reposent sur des plans de projections de croissance semblables à des entreprises privées.  On demande au pasteur de se comporter en parfait spirituel détaché de toute ambition humaine, mais d’un autre côté, on le met dans un système de rendement qui s’articule autour des mêmes mécanismes que seule l’ambition humaine peut arriver à bien nourrir.  Le succès se mesure en nombre de membres.

Le pasteur, une cible facile

J’ai pour mes confrères pasteurs la plus haute estime, car je connais trop bien les hauts et les bas de cette vocation particulière.  Je sais à quel point ce genre de travail isole ceux qui le font fidèlement.  Je sais à quel point ils se sentent souvent cruellement incompris et incapables d’exprimer ce trouble.  Nombreux sont ceux qui en viennent à ne plus avoir d’amis, sinon des pasteurs qui vivent les mêmes misères qu’eux.  Quoiqu’ils fassent ou quoi qu’ils disent, les pasteurs auront toujours leurs  détracteurs.  S’ils disent blanc, on leur reprochera de ne pas avoir dit noir et s’ils disent noir, on leur reprochera de ne pas avoir dit blanc.  Les critiques dont ils sont l’objet sont parfois cruelles et démesurées, car, puisqu’ils sont des serviteurs de Dieu, on leur donne peu d’espace à l’erreur.  C’est à croire que les haines et les ressentiments que les chrétiens entretiennent secrètement contre Dieu sont détournés vers les pasteurs qui eux, sont suffisamment visibles pour servir de cible.  Heureusement, nos églises sont aussi remplie de gens édifiants qui savent encourager leur pasteur.

Un job de fou

On les aime quand ils nous disent des vérités qui édifient, mais on les déteste si, en nous disant la vérité, ils mettent en lumière une faute.  La pureté évangélique oblige de toujours se tenir dans la vérité, mais la vérité est probablement l’une des choses les plus redoutables qui soit.  Dire la vérité, c’est prendre le risque d’être rejeté.  Et ne pas oser dire la vérité, c’est prendre le risque d’être encore rejeté.  Un de mes amis, anciens dans l’église où j’étais pasteur me disait souvent que mon travail était « un job de fou ».  Vous voyez le topo?  Et en prime, s’ils ont un moindre succès, malheur à eux s’ils oublient d’en attribuer toute la gloire à Dieu.

Comment réussir tout de même?

L’ensemble des principes qui assurent la croissance et la vitalité d’une église est une science fort complexe quant à moi.  Voici tout de même un principe incontournable : le pasteur ne doit pas être la seule personne à répondre à l’appel de Dieu, tous les membres du Corps de Christ doivent y répondent également.  Si les pasteurs sont seuls à soutenir le poids de l’œuvre, ils seront aussi les seuls à subir les critiques.  Si tous se lèvent pour servir et donner leur vie, la dynamique spirituelle qui en ressort est à elle seule le point d’ancrage de la croissance de l’église.  Je l’ai vue lorsque j’étais le pasteur au Saguenay, les gens qui visitaient notre église (croyants ou non) avaient envie de revenir parce que la vie s’y trouvait en abondance.  Ce ne sont pas des projets qui amènent la vie, mais les gens, des gens vivant de la vie de Christ.  La vie attire la vie.  Et la vie d’une église doit venir de la vie de Christ au milieu des siens.

Il faut sortir des concepts de croissance qui reposent sur des modèles d’affaires et entrer dans quelque chose d’autre que la Bible appelle : la volonté de Dieu (Rom 12 : 1-2).  Ce modèle est conforme à l’intention donnée par Jésus dans l’Évangile de Mathieu (11 : 28-30) selon laquelle nous sommes appelés à prendre son joug et à le servir dans son repos.  Les modèles de croissance  que nous adoptons actuellement dans nos églises sont épuisants et lourds.

Témoin de Jésus et appelé de Dieu

La croissance et la réussite d’une église ne doivent pas premièrement dépendre des efforts de l’homme, mais des moyens que Dieu donne à son église.  L’apôtre Paul nous instruit magnifiquement de la chose dans sa lettre aux Éphésiens (4 : 15-16), texte où il affirme l’importance de voir tous les membres d’une même assemblée s’activer à répondre à l’appel de Dieu.  Ce texte biblique est d’une extrême lucidité.

« 15  mais que, professant la vérité dans la charité, nous croissions à tous égards en celui qui est le chef, Christ. 16  C’est de lui, et grâce à tous les liens de son assistance, que tout le corps, bien coordonné et formant un solide assemblage, tire son accroissement selon la force qui convient à chacune de ses parties, et s’édifie lui-même dans la charité. »

Dans ce passage, la croissance de l’église ne dépend pas de son pasteur ni d’un plan d’affaires savamment suivi, mais du corps de Christ, c’est-à-dire, de tous ceux que le Seigneur appelle.  Leur tâche est vraiment simple, ils doivent se coordonner et former un solide assemblage.  Ce texte parle donc de l’importance de l’unité, de l’amour et la place qui est donnée Jésus-Christ.  Une église n’est pas un projet d’affaires, mais une entité spirituelle dont Christ est la tête.  Ce n’est pas nous qui devons rayonner, mais lui.

Réal Gaudreault

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1 Comment

  1. je compatisse avec vous,mais je vous encourage car tout ceux qui sont fou. De Christ après avoir lu votre article ce réjouiront de vous garder en prière.Il nous faut entrer à l’école de Christ pour voir que c’est LUI qui ajoute des pierres vivantes à son Église pas nous. merci Seigneur pour nos pasteurs.

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