La liberté de conscience en chute libre (mariage gai)

Dans un article du journal La Presse du 13 août 2015[1], on apprend que la Cour d’Appel du Colorado s’est prononcée en défaveur d’un pâtissier qui plaidait la liberté de conscience pour ne pas être contraint à faire un gâteau de noces à un couple gai. Rappelons également que la Cour Suprême des États-Unis a légalisé, le 26 juin dernier, le mariage entre personnes de même sexe pour tous les États américains. Derrière cet apparent exercice de justice se cache une autre réalité. L’Occident vient d’entrer dans un nouveau cycle politique connu sous le nom de régime autoritaire. « L’autoritarisme caractérise un mode d’exercice du pouvoir qui interdit l’expression publique du désaccord et, ce faisant, pratique un abus constant d’autorité.[2].

Y a-t-il un problème?

Le problème ne réside pas dans le fait que des couples de même sexe puissent se marier et ainsi bénéficier des mêmes avantages pécuniaires que les couples hétérosexuels. Qu’on soit d’accord ou non avec les mariages gais est presque secondaire ici dans la mesure où, dans un régime démocratique, la majorité détenant le pouvoir n’a pas le droit de refuser aux minorités l’accès à des droits et des privilèges qu’elle se donne à elle-même. C’est même son devoir de protéger les droits des minorités qui habitent le même territoire, qu’ils soient gais ou autres.  C’est là une des règles du jeu en démocratie, et tout le monde y trouve son compte lorsque l’équilibre des forces est respecté.

Ainsi donc, que le gouvernement des É-U ait cru bon de permettre le mariage entre personnes de même sexe n’est pas en soi une usurpation qui prive les non-gais de quoi que ce soit. On peut être en désaccord pour des raisons morales et religieuses avec cette décision, on peut trouver la chose hautement discutable pour toutes sortes d’autres raisons, mais on ne peut d’aucune manière dire avec certitude que cet exercice ne respecte pas les règles de la démocratie. L’Amérique n’est pas une théocratie, mais bien une démocratie, faut-il se le rappeler.

Où est le problème alors?

Ce qui est au cœur du litige ici est plutôt l’affaiblissement du recours à la liberté de conscience, laquelle est une des valeurs parmi les plus importantes de l’ère moderne. Et tout ça arrive aux États-Unis, un pays qui s’est construit sur cette valeur et ce, depuis les tous débuts de sa fondation. Pendant des siècles, aux yeux du monde entier, l’Amérique incarnait le symbole de la liberté, un lieu où chacun pouvait vivre sans craindre d’être persécuté pour ses convictions religieuses. Eh bien, tout ça est désormais terminé.

Maintenant, lorsqu’on voudra invoquer la liberté de conscience pour des motifs religieux, plus personne ne sera protégé par la constitution des É-U. Voici pourquoi : «La Cour d’Appel locale a finalement rejeté les arguments du pâtissier, estimant qu’obliger quelqu’un à respecter la loi ne revenait pas à le forcer à «approuver» quelque chose. Masterpiece Cakeshop reste libre d’épouser ses croyances religieuses, y compris son opposition au mariage homosexuel», écrit la Cour dans sa décision rendue publique jeudi. »

L’argument de cette Cour d’Appel est complètement aberrant. Elle nous dit qu’on peut maintenant forcer, par une loi, un citoyen à se commettre dans une action qui viole sa conscience sous prétexte que sa conscience n’est pas vraiment violée au sens de la loi. Autrement dit, c’est une loi qui dicte maintenant quel sera le rapport de l’homme avec sa conscience. C’est complément absurde, non? C’est l’État qui, par des lois, impose le contenu de la liberté de conscience que ses citoyens devront honorer dans l’espace public. Voilà pourquoi j’affirme que le concept de la liberté de conscience est désormais une chose du passé.

L’élasticité de la conscience

Autrement dit, on peut vous forcer à poser un geste qui va contre vos valeurs tout en vous laissant croire que cette contrainte ne constitue pas un viol de votre liberté de conscience. Mais tout le problème est là justement. Le recours à l’objection de conscience a toujours eu pour but de protéger les citoyens contre ce genre d’abus de la part de l’État. En forçant ce pâtissier à faire un gâteau de noces pour un mariage gai sous la menace de le poursuivre devant les tribunaux, on viole la conscience de ce commerçant de la pire des manières. Réalisons-nous que cette affaire nous fait reculer de plusieurs siècles au temps du Moyen âge, période durant laquelle les rois, l’Église et les grands seigneurs fonciers dictaient la manière de penser des sujets de leurs fiefs.

La question ici n’est pas même de savoir s’il est spirituellement judicieux pour des pâtissiers chrétiens de desservir la communauté gaie. Qu’ils aient tort où qu’ils aient raison d’avoir refusé est secondaire, car l’enjeu de cette affaire est plutôt que la liberté de conscience d’un citoyen propriétaire d’une entreprise PRIVÉE n’est plus protégée par les tribunaux américains. À savoir si ces pâtissiers ont agi chrétiennement en refusant de faire un gâteau ne nous regarde pas, il s’agit de leur conviction personnelle à eux. Ce pâtissier n’a pas à faire des gâteaux de noces pour un couple gai parce que vous pensez qu’il aurait dû le faire. Ça ne vous regarde pas, c’est sa conscience à lui, pas la vôtre qui au cœur de ce litige.

Judiciarisation de la liberté de conscience

Le vrai problème ne fait que commencer, car l’article de La Presse nous dit : « Depuis, une myriade de commerces et même d’administrations ont été poursuivis en justice avec succès par des couples homosexuels qui s’étaient vu refuser des services, voire la délivrance d’un certificat de mariage. » Vous voyez la sale affaire qui s’amène sur l’Occident?

Le problème est aussi dans la condescendance des autorités judiciaires et politiques américaines qui ne voient plus aucune limite aux revendications des lobbys gais aux États-Unis. Non seulement on légalise les mariages gais, mais de plus, on donne aux gais le pouvoir juridique de faire plier toute une population en la forçant à s’ajuster à ses moindres besoins. Sous prétexte d’interdire la discrimination contre la population homosexuelle, les tribunaux américains ostracisent une autre partie de la population qu’elle force à s’agenouiller devant ses dogmes. Voilà le parfait exemple d’un déficit démocratique.

Proximus terribilis

Cette nouvelle législation porte en elle un venin qui pourrait amener l’Occident entier dans une vaste période de persécution contre ceux qui croient encore à la liberté de conscience, de nature religieuse. Une des prochaines étapes sera très certainement l’obligation légale pour les prêtres et les pasteurs de bénir les mariages gais. Une fois de plus, ceux qui refuseront seront traduits devant les tribunaux et comme dans le cas des pâtissiers, ils seront condamnés à verser d’énormes sommes d’argent. Une pâtisserie ou une église, quelle est la différence après tout? Si on peut poursuivre l’une, on peut certainement poursuivre l’autre?

Or, dans l’affaire qui nous préoccupe, on permet à une minorité qu’on évalue à plus ou moins 3,5%[3] de la population d’imposer son agenda à toute une population sous la menace de poursuites judiciaires. Le pire reste à venir, croyez-moi!

Réal Gaudreault

[1] http://www.lapresse.ca/international/etats-unis/201508/13/01-4892509-les-patissiers-ne-peuvent-pas-refuser-de-servir-les-couples-gais.php

[2] http://memscpobdx.pagesperso-orange.fr/fichelect/lesregimesautoritaires.html

[3] http://french.peopledaily.com.cn/VieSociale/8131351.html

 

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