Amour et théologie, compatibles ou non?

Y a-il des sujets qui concernent Dieu et qui n’ont pas à être soumis à la rigueur théologique? Autrement dit, est-ce que l’éclairage de la théologie biblique est toujours nécessaire pour se faire une idée juste de l’amour par exemple? Car humainement parlant, nous savons ce que veut dire aimer.

C’est lors d’une discussion récente avec une personne de mon église que cette question m’est soudainement apparue plus importante que jamais. Nous nous demandions si l’amour fraternel exigé de Dieu est le produit d’une version divinement amélioré de l’amour humain ou s’il est une manifestation surnaturelle de la présence de Christ qui à travers nous aime les gens? Autrement dit, s’agit-il d’un amour qui peut grandir et s’approfondir par une instruction théologique ou s’agit-il plutôt de la seule et heureuse plénitude du Saint-Esprit? Évidemment, j’entends déjà l’argument de ceux qui rappelleront que la présence du Saint-Esprit insuffle l’amour de Dieu dans nos cœurs rendant inutile l’apprentissage théologique de l’amour de Dieu et de l’amour fraternel.

Mais est-ce bien le cas?

S’il est vrai que c’est d’abord l’Esprit-Saint qui répand l’amour de Dieu dans nos cœurs[1] il est également vrai que l’amour de Dieu est un apprentissage théologique. Ainsi, l’amour fraternel ne dépend pas d’un simple mouvement du cœur qui s’incarne tout naturellement dans la vie d’un chrétien parce qu’il se dit rempli de l’Esprit. Par exemple, bien que l’apôtre Paul parle avec tendresse de l’affection qu’il ressent pour les chrétiens de Philippe, il souhaite également que l’amour en eux puisse grandir en « connaissance et en pleine d’intelligence pour le discernement des choses les meilleures », donc, qui résulte d’une instruction théologique.

« 8 Car Dieu m’est témoin que je vous chéris tous avec la tendresse de Jésus-Christ. 9 Et ce que je demande dans mes prières, c’est que votre amour augmente de plus en plus en connaissance et en pleine intelligence 10 pour le discernement des choses les meilleures, afin que vous soyez purs et irréprochables pour le jour de Christ, 11 remplis du fruit de justice qui est par Jésus-Christ, à la gloire et à la louange de Dieu. » Phi 1 :8-11

Christ comme modèle d’amour

Bien sûr, Jésus-Christ a aimé ses disciples, mais non pas à la manière des hommes. Aimer les gens à la manière des hommes c’est aimer les gens comme les gens aiment être aimés. Or, l’amour humain, si agréable soit-il, est de par les effets de la Chute adamique si négativement affecté par le péché qu’il n’est d’aucun secours dans les choses spirituelles. Voilà pourquoi Jésus exige que notre amour les uns pour les autres soit de la même texture que son amour. « 34 Je vous donne un commandement nouveau : Aimez-vous les uns les autres; comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. 35 A ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres.[2] »

« Comme Je vous ai aimés » disait Jésus à ses disciples. Ils étaient appelés à s’aimer à la manière de Dieu et non à la manière des hommes. Eux qui furent les principaux témoins de Jésus dans la sa vie de tous les jours, ils l’ont vu guérir des malades, délivré des possédés, parler à des prostituées et manger avec des gens de mauvaise vie, oui, ils ont vu de leurs yeux Jésus aimer les gens concrètement. Mais ils l’ont aussi entendu traiter les scribes et les pharisiens de fils du diable et de sépulcres blanchis[3]. À cette occasion, ont-ils pensé que Jésus manquait d’amour? Vous me direz sans doute que c’était bien mérité car les pharisiens étaient de sombres hypocrites.

Mais lorsque Jésus répond brusquement à Pierre « Arrière de moi, Satan ! tu m’es en scandale; car tes pensées ne sont pas les pensées de Dieu, mais celles des hommes. [4]», Jésus manque-t-il d’amour envers son disciple? Souvenons-nous que dans le contexte, Pierre, en toutes bonnes intentions, réagissait à l’annonce de Jésus qui annonçait sa mort prochaine. En fait, Pierre aimait Jésus et voulait seulement lui manifester son attachement, pourtant Jésus l’a rebuté sévèrement. C’est comme si Jésus avait dit à Pierre « Pierre, le problème est que tu m’aime à la manière des hommes et non à la manière de Dieu. »  Non seulement Jésus n’a pas manqué d’amour envers son disciple, mais il a aimé Pierre sans sacrifier la vérité?

Pierre et Paul

Dans le chapitre 2 de sa lettre aux Galates, l’apôtre Paul rapporte un évènement où il a repris sévèrement l’apôtre Pierre devant l’église d’Antioche parce qu’il s’était tenu à l’écart des pagano-chrétiens par crainte des circoncis. La conduite de Pierre n’était pas selon la « vérité de l’Évangile [5]». Paul a-t-il manqué d’amour envers Pierre dans cette circonstance ou n’a-t-il pas plutôt aimé la vérité plus qu’il a aimé Pierre? Si comme chrétien l’amour nous conduit éventuellement à aimer les gens plus que la vérité, alors, l’Évangile souffrira entre nos mains.

Aimer, c’est risqué de tout perdre

Si Jésus avait aimé les gens à la manière des hommes, les hommes ne l’auraient certainement pas cloué à la croix. Si Paul avait aimé les gens à la manière des hommes, il n’aurait pas été persécuté autant qu’il l’a été. Si donc notre compréhension de l’amour de Dieu nous conduit uniquement à aimer les gens en vue de nous rendre agréables à leurs yeux, c’est que l’instruction théologique concernant l’amour nous fait défaut.

Conclusion

La vérité sans l’amour conduit au légalisme et l’amour sans la vérité conduit libéralisme. Considérer l’amour fraternel à la lumière de la théologie instruit les chrétiens à saisir l’ensemble des nuances qui permettent d’aimer les gens comme Christ nous a aimés. Aimer la vérité tout en aimant les frères, voilà le vrai défi.

Real Gaudreault (Pasteur)

[1] Romain 5 :5

[2] Jean 13 : 34-35

[3] Jean 8

[4] Mathieu 16 :23

[5] Galates 2 :14

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1 Comment

  1. Comment «amour et théologie» peuvent-ils être placés en opposition…? Si je comprends l’exercice, vous visez à mettre en garde celui qui tomberait dans l’insensibilité de l’intellectuel déconnecté du “vrai monde” ainsi que, celui qui se laisse guider par ses seules pulsions psychologiques absorbé qu’il est par ses “bons sentiments” envers ce monde en mal de salut. Ultimement, les deux empruntent une voie qui pourrait les piéger. L’un par ses rationalisations interminables qui le garde à l’écart d’expériences ses semblables qui auraient pu autrement contribuer à enrichir ses relations de manière plus saine et plus équilibrées. L’autre, par son activisme s’épuise à la tâche, s’investissant corps et âme dans tous les projets, programmes, actions communautaires,implication sociale et/ou familiale y trouvant là, un sentiment profond d’utilité. Il oublie de réfléchir, de s’instruire au pied du Maître. Marthe en est l’exemple parfaite. Elle avait oublié l’essentiel. C’est le propre de ceux qui cherchent leur valeur, faute de la trouver en Christ…

    Se pourrait-il M Gaudreault que votre proposition place deux éléments de même nature en opposition ? Amour et Vérité ne sont-ils pas la quintessence de Dieu. De tenter de “faire fonctionner” séparément de tels principes divins, c’est comme retirer un organe vital d’un organisme vivant, c’est une mort imminente. Où encore, c’est si on tentait de prendre un objet réel et d’en extirper l’une des 3 dimensions…il ne serait plus qu’une abstraction de l’esprit. À l’instar de la trinité quoi. C’est un tout inextricable.

    Par ailleurs, comme il nous a fait semblable à Lui, c’est ce que Jésus lui-même rappelle en ces termes: «Vous êtes des dieux» Jean 10.34, Dieu a voulu nous faire participer pleinement à sa nature divine, hormis sa Toute-puissance. Dans l’Eden, incarner l’Amour, dans la Vérité (et les deux, dans une relation sans barrière en Sa présence) coulait de source. Nous n’aurions pu être Vrai, sans l’Amour.Et vice et versa. À cause essentiellement de Sa présence, et de notre relation parfaite, nous en étions le reflet exact. Nous étions unis et en harmonie avec notre seul Maître et Seigneur.
    Ça, c’était avant la chute.
    Comme vous le soulevez, la rupture d’avec notre Créateur nous a «si négativement affecté par le péché».
    L’angle ne peut donc pas être posé dans l’optique d’une opposition Amour/Vérité du fait de la corruption de ces deux choses par le péché, il me semble, non ?
    Opposons plutôt ainsi les choses: Amour et Vérité avant, vs amour et vérité, après la chute adamique.
    Ce ne serait donc pas tant l’Amour et la Vérité qui est l’enjeu de ce déséquilibre, que les distorsions qu’ont occasionnés les effets de la chute originelle. Cette rupture dans notre relation avec notre Créateur, aurait ainsi brouillé littéralement la vision des hommes sur les buts que Dieu souhaitait pour son bonheur. Dont au premier chef celui d’aimer Dieu. Ces buts ratés, sont autant de péchés qui confondent les humains. Il ne s’agit donc pas ici d’opposer «vérité et amour» comme si on opposait «rectitude et laxisme», ce qui en soit peut ce concevoir; mais comme la Vérité commande une certaine rectitude rationnelle intraitable (condamnant le cou raide du style “pharisaïque”) et que l’Amour manifeste en son temps, la compassion sacrificielle (pardonnant les péchés “septante fois sept fois”). L’Écriture enseigne que ces deux choses -Amour et Vérité- cohabitent parfaitement, et sont parfaitement ordonnées, lorsqu’elle sont le résultat de la Volonté divine. Ce qui n’est pas le résultat d’un effort ou d’une sagesse humaine, j’en suis. Bien des exemples sont cités dans la Bible qui en font la démonstration éloquente.

    «Car sans moi, vous ne pouvez rien faire» Jean 15.5

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