Voilà, j’ai choisi le populisme (ironie)

Il est courant depuis quelque temps d’entendre des journalistes, des commentateurs de la scène publique, des intellectuels et des artistes évoquer le populisme comme un défaut de société, une tare civilisationnelle qui retarderait l’évolution du progrès, un frein au bon sens, une attirance pour les idées simplistes[1]. À défaut de trop mal saisir l’inconfort et l’irritation d’une population qui ne se sent plus écoutée, le discours intellectualiste, lui-même en panne de profondeur devient de plus en plus creux et indigeste. Puis, ne sachant plus quoi dire face à la montée du désarroi social en occident, le mot qui tue est lancé : populisme, le voici le problème, c’est la partie indocile du peuple qui refuse les bons projets de ses princes.

Qu’est-ce que le populisme selon ce qu’on entend?[2]

  • Le populisme, c’est la part ingrate du peuple, cette foule de gens mal instruits et peu renseignés, cette plèbe aux valeurs rétrogrades qui ne vaut pas la peine d’être prise au sérieux
  • Le populisme, c’est un ramassis d’individus esclaves de toutes les passions extrémistes en libre circulation, des gens intolérants, racistes, xénophobes, incapables de bien se conduire avec bienveillance et d’être accueillants
  • Le populisme, c’est aussi une partie de l’électorat qui a la fâcheuse habitude de ne pas suivre les bienheureux conseils d’une élite politique et journalistique néo-libérale qui dit vouloir son bien
  • Aussi, le populisme représente le maillon faible de la démocratie parce qu’il permet à des non-initiés, ignorants des savoirs de la culture savante progressiste, de dire non à la haute noblesse de robe[3] qui aime s’égayer de se voir invité dans la cour des puissants
  • Enfin, le populisme, c’est l’unanimité parmi les imbéciles, ceux qui ne savent pas reconnaître le bon goût, le raffinement, les idées profondes pleines de nuances et d’intelligence, nantis d’un savoir intellectuel que seuls les grands esprits progressistes maitrisent.

Qu’est-ce que n’est pas le populisme?              

Maintenant que nous en savons un peu plus sur le vulgaire populisme qui pollue de ses ignorances l’atmosphère sereine des hauteurs habitées par d’heureux incompris, voyons maintenant qui sont les outragés. Eh oui, qui sont ces autres-là, ceux qui ont l’heureux privilège d’échapper à cette populace abjecte? Qui sont ceux qui dénoncent le populisme avec tout le mépris que le bon usage de la langue leur permet d’exprimer?

Les politiciens peut-être? Sont-ce ces politiciens qui depuis quelques années ont alimenté le cynisme et contribué à l’affaiblissement de la confiance du peuple envers les institutions politiques parce qu’on les aperçoit trop souvent comparaitre dans les commissions d’enquête[4] qui dévoilent les malversations d’un système de corruption organisé? Oui ou non, est-ce bien eux qui sont les porteurs de lumière pour le peuple?

Les grands médias? Serait-ce plutôt les milieux médiatiques dont la crédibilité est mise à mal parce qu’ils ont égaré l’art d’informer objectivement la population? Ces grands médias propriétés des milliardaires dont les intérêts financiers s’amalgament à des intérêts politiques internationalistes. Devons-nous faire confiance à ces journalistes souvent opportunistes qui, pour un peu de notoriété, sont prêts à orienter des faits pour leur faire dire ce qui est convenable de dire même si la vérité risque d’en souffrir? C’est eux qui disent vrai, vraiment?

Et les artistes? S’agit-il des artistes qui tous les ans se réunissent pour s’auto-congratuler et qui sans aucune pudeur approuvent presque unanimement l’humour savant de Mike Ward qui au nom de la liberté d’expression se permet de harceler en spectacle un enfant handicapé? Oh, pardon, c’est JUSTE POUR RIRE! Les artistes qui ne savent plus faire la différence entre liberté d’expression et respect de l’intégrité humaine sont-ils des gens qualifiés pour nos dicter notre manière de penser? Non, certainement pas.

Pourquoi laissons-nous des gens aussi peu crédibles nous dire comment réfléchir, pour qui voter et quelles valeurs adopter? Où sont passés les femmes et les hommes publics de qualité qui échappent à la dictature d’un intellectualisme grossier qui méprise l’opinion des gens ordinaires, le peuple?

Les gens ordinaires

Le populisme est peut-être une nouvelle forme d’intelligence qui s’incarne dans la vie des femmes et des hommes qui mènent des vies ordinaires. Ce sont des fermiers qui travaillent 12 heures par jour, des concierges qui nettoient la saleté des autres, des infirmières qui s’épuisent à faire du mieux qu’elles peuvent pour soigner des malades, des travailleurs de la construction, des ouvriers syndiqués en usine, des camionneurs, des livreurs de pizza, des chômeurs ou des assistés sociaux.

La populace, celle qu’on accuse de populisme est composée de gens qui ne reçoivent pas de Félix, de Gémeaux, d’Olivier, de César et d’Oscar ni de subventions pour pratiquer leur métier. Ils ne détournent pas des millions de dollars à des fins personnelles comme les politiciens le font avec en surplus, de généreuses indemnités de départ pour seulement quelques années de service. Ils ne traficotent pas des nouvelles à sensation pour se faire un nom dans les milieux du journalisme. Non, les gens ordinaires essaient juste de mener une vie honnête, payer leur compte, élever et aimer leurs enfants et travailler fort pour deux ou trois semaines de vacance par année.

Conclusion

Je sais bien qu’un certain populisme peut malheureusement influencer des gens à adhérer à des théories simplistes où l’on voit des complots partout. Je sais également qu’à l’âge des médias sociaux une fraction importante de la population est vulnérable à croire des nouvelles plus ou moins fiables. Cependant, je trouve désagréable au plus haut point l’attitude de nos médias revanchards qui dénigrent sans ménagement cette population d’hommes et de femmes libres parce que ces derniers ont décidé de penser autrement.

Real Gaudreault

[1] « Le terme populisme est en général utilisé dans un sens péjoratif par ses opposants, c’est-à-dire les classes dirigeantes ou les politiciens au pouvoir, pour amalgamer et critiquer tous les “archaïsmes” et freins au développement de leur politique qu’ils pensent détecter parmi le peuple. » Dictionnaire La Toupie.

[2] « Le populisme s’exprime aujourd’hui de deux manières : des votes en progrès constant en faveur de partis nouveaux venus qui appellent à en finir avec la caste des partis installés et, dans le même temps, une forte abstention de la part des citoyens qui se désintéressent de la politique et “n’y croient plus”. » (p.61) » https://blogs.mediapart.fr/alexandre-anizy/blog/251016/quest-ce-que-le-populisme

[3] http://www.universalis.fr/encyclopedie/noblesse-de-robe/

[4] Commissions d’enquête sous fond de corruption politique : Bastarache, Gomery, Charbonneau

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