Sécurité éternelle, perte du salut et libre arbitre (choix)

Connaissez-vous la posture théologique qui soutient à la fois la doctrine de la sécurité éternelle et le libre arbitre. De l’avis de ceux qui défendent cette approche, l’œuvre du Saint-Esprit sollicite le pécheur à user de son libre choix pour se tourner vers Dieu et être sauvé. Suivant cette expérience, le pécheur ainsi justifié ne peut plus perdre son salut dont l’efficacité est éternelle. Une fois sauvé toujours sauvé diront certains.

Ils sont nombreux les chrétiens qui adhérent implicitement à ce positionnement théologique qui préserve à la fois le libre choix de l’homme dans son rapport avec le salut tout en insistant sur l’importance de la persévérance des saints[1]. C’est là d’ailleurs une approche élégante qui donne l’impression d‘habiter la modération entre les deux grands courants de pensée, le calvinisme et l’arminianisme.

À première vue, cette posture peut sembler consistante aux yeux de ceux qui l’adoptent car elle évite de se positionner dans l’inconfort des extrêmes au profit d’un confort apparemment équilibré. Puisque la modération à bien meilleur goût, pourquoi pas? Mais lorsqu’on s’y attarde juste un peu, question de valider le tout, plusieurs contradictions apparaissent aussitôt.

Sécurité éternelle et perte du salut

Tout comme les calvinistes ceux qui adhèrent à la sécurité éternelle croient qu’il est impossible pour un chrétien réellement né de nouveau de perdre son salut. Évidemment, les textes bibliques qui confirment cette idée sont suffisamment nombreux pour certifier sans l’ombre d’un doute le bien-fondé de la sécurité éternelle. Mais il y a un « mais ». Peut-on vraiment harmoniser bibliquement le libre arbitre à la doctrine de la sécurité éternelle?

D’autre part, ils sont très nombreux aussi ceux qui, soutenant la doctrine du libre arbitre, croient qu’un chrétien peut perdre son salut. Et ceux qui croient à la perte du salut adhèrent tous sans exception au libre arbitre. On ne peut certainement pas reprocher à ces derniers de manquer de cohérence car effectivement, si on accepte l’idée que l’homme possède en lui-même une liberté suffisante pour croire et recevoir l’offre du salut, sur la base de quel autre principe Dieu pourrait-il lui retirer cette liberté par la suite. Est-ce à dire que l’obtention du salut coïncide avec la perte de la liberté par laquelle le pécheur obtient cette délivrance?

Je sais que ceux qui cherchent à concilier le libre arbitre et la sécurité du salut vont se rabattre sur les nombreux textes bibliques qui supportent la sécurité éternelle, mais là encore, l’équation ne fonctionne pas très bien. Dans bien des cas, les textes utilisés pour justifier la sécurité éternelle font partie de la famille des textes qui justifient plutôt la doctrine de l’élection et la prédestination.

De plus, l’idée de la perte du salut soulève plusieurs problèmes théologiques majeurs. Elle implique qu’un chrétien, par ses mauvaises œuvres, pourrait indisposer Dieu au point même où ce dernier lui retirerait la grâce du salut. Déjà ici, on se retrouve devant deux contradictions évidentes. D’abord, si la grâce salutaire pouvait être retirée pour cause de mauvaises œuvres, elle n’aurait donc jamais été une grâce, mais un mérite. Ensuite, si les mauvaises œuvres d’un chrétien suffisent à lui retirer son salut, cela revient à dire que le salut repose sur les œuvres, ce qui contredit le texte en Éphésiens 2 : 10 « Ce n’est point par les œuvres afin que personne ne se glorifie. Si donc le salut ne repose pas sur le mérite des œuvres bonnes, comment peut-on affirmer qu’il est possible de le perdre par ses mauvaises œuvres.

Dieu ne serait-il pas encore injuste?

De l’avis des tenants du libre choix de l’homme, comment un Dieu qui respecte le libre arbitre des élus peut-il leur retirer ce choix un coup sauvé? Si le libre arbitre est une liberté essentielle à l’acquisition du salut, pourquoi et à quel moment cette liberté si précieuse serait soudainement, par la volonté de Dieu, retirée de la volonté de l’homme? Ne serait-ce pas ici encore un acte souverain d’un Dieu malfaisant qui prive l’homme de sa liberté de choisir? Pourtant, ceux qui soutiennent le principe du libre arbitre aiment bien rappeler qu’un Dieu d’amour ne saurait contraindre le pécheur à être sauvé malgré lui selon l’élection et la prédestination. Donc, Dieu priverait-il le pécheur de l’accès à cette même liberté de choisir après qu’il est ait sauvé? Jamais un Dieu d’amour n’agirait de façon arbitraire en changeant les conditions requises à l’exercice du libre choix des hommes si ces derniers le désirent? Bien sûr, je parle à la manière des arminiens ici.

Je sais que l’on répondra à cette affirmation qu’il existe trop peu de chrétiens désireux de renoncer à leur salut pour perdre du temps y réfléchir. Pourtant, si on croit que la sécurité éternelle et le libre arbitre sont pleinement réconciliables, on ouvre assurément la porte à cette incohérence.

Soit dit en passant, il est faux de dire que Dieu ne respecte pas le libre arbitre de l’homme. Le problème est plutôt que l’homme dans sa condition d’esclave du péché est incapable d’utiliser cette liberté pour se tourner vers Dieu. L’apôtre Paul nous le rappelle dans sa lettre aux Romains lorsqu’il déclare : « car l’affection de la chair est inimitié contre Dieu, parce qu’elle ne se soumet pas à la loi de Dieu, et qu’elle ne le peut même pas.[2] ». L’homme naturel use de son libre arbitre pour les choses de cette vie aussi souvent qu’il le désire, mais en ce qui concerne son salut, c’est Dieu qui le choisit pour la simple raison que le pécheur dans sa condition humaine est séparé de son créateur et de ce fait, incapable de choisir Dieu.[3]

Conclusion

Alors ou bien l’homme, par le pouvoir de son libre arbitre, est libre d’accepter Jésus-Christ dans sa vie comme sauveur et dans ce cas, il devrait rester tout aussi libre de rejeter l’auteur de son salut selon les mêmes critères de liberté qui l’ont conduit au salut, ou bien, Dieu a choisi d’avance ceux qu’il a élus en restaurant miraculeusement dans leur vie la liberté suffisante et efficace à la réception du salut. Et dans ce cas, il est impossible que le pécheur racheté soit un jour à nouveau perdu.

Réal Gaudreault (pasteur)

[1] http://larevuereformee.net/articlerr/n236/la-perseverance-des-saints-une-doctrine-controverse

[2] Romains 8 : 7

[3] Jean 15 : 16 « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi; mais moi, je vous ai choisis, et je vous ai établis, afin que vous alliez, et que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure, afin que ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donne. »

Romain 8 : 23 « 2 En effet, la loi de l’esprit de vie en Jésus-Christ m’a affranchi de la loi du péché et de la mort. 3 Car chose impossible à la loi, parce que la chair la rendait sans force,-Dieu a condamné le péché dans la chair, en envoyant, à cause du péché, son propre Fils dans une chair semblable à celle du péché, »

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9 Comments

  1. Dieu veut que tous les hommes soient sauvés. La double prédestination contredit donc cette vérité. Donc si Dieu ne sauve pas tous les hommes c’est que cela implique une volonté autre que la sienne, sans contredit celle de l’homme. Toutefois Dieu parle de ceux qu’il a prédestinés à être semblables à l’image et là c’est sans contredit de présentation dont il s’agit. Cette prédestination survient au moment où l’homme SE LAISSE convaincre par le St-Esprit de.péché justice et jugement. Donc quel sens prend la non persévérance. Elle rêvèle la nature véritable de celui qui se détourne. Jean dit que celui qui dit qu’il a connu le Seigneur et qui ne garde pas ses commandements est menteur. Cessons donc de croire le contraire car c’est un mensonge. Toute doctrine qui mène à une conclusion contraire est mensongère.

  2. Je suis l’aîné d’une famille de 9 enfants, et je suis le seul qui confesse haut et fort le nom de Jésus. Pourquoi? Simplement parce que,je crois, je suis le seul qui a été attiré, par grâce, au Seigneur Jésus…..Et ceux qui rejettent l’oeuvre de Christ sont conséquent avec eux-mêmes, car ils considèrent que c’est une folie…..Certains m’ont déjà dit : J’aimerais bien ça avoir la foi que tu as, mais je ne l’ai pas.J’ai l’occasion,à chaque jour, d’être conscient de ma condition, et de me réjouir de la position qui est mienne, par pure grâce, en Jésus-Christ.

  3. Moi aussi quelqu’un m’a déjà dit qu’il aimerait avoir ma foi, mais qu’il en était incapable. J’ai prié Dieu de lui montrer la voie et de lui faire entendre sa voix. L’assurance du salut et l’assurance en nos propres moyens sont antagonistes. Il faut souvent bien des échecs, bien des déceptions et parfois de très rudes épreuves physiques pour démissionner devant Dieu. Quand nous avons le contrôle de notre vie, notre orgueil épais nous voile la face du Sauveur.

  4. De l’avis des tenants du libre choix de l’homme, comment un Dieu qui respecte le libre arbitre des élus peut-il leur retirer ce choix un coup sauvé? Si le libre arbitre est une liberté essentielle à l’acquisition du salut, pourquoi et à quel moment cette liberté si précieuse serait soudainement, par la volonté de Dieu, retirée de la volonté de l’homme? Ne serait-ce pas ici encore un acte souverain d’un Dieu malfaisant qui prive l’homme de sa liberté de choisir?

    Il me semble que le salut c’est “naitre de nouveau”, regénéré. Alors, une fois né
    de nouveau -même si cet acte nécessitait un choix -, ne serait-ce pas le choix de Dieu de “sceller” ce choix en accordant le Saint-Esprit? Le sceau, c’est le Saint-Esprit. Comme Dieu connait notre coeur enclin à pécher, Il a souverainement décidé qu’une fois ce choix fait (d’accepter Christ), Il nous applique son sceau, ce qui nous empêche maintenant de faire un choix qui nous “dé-sauverait”…. Non? Alors, qu’en est-il du choix des anges élus? On semble être d’accord qu’eux aussi ont fait un choix, qui est maintenant scellé une fois pour toutes….

    • Pour plus de précision je dirais que ce choix est de se laisser convaincre, donc certifier que Dieu est vrai(jn 3). Une fois qu’on a connu la vérité et Jésus Christ ont le connaît pour toujours. On a la foi qui triomphe du monde comme il est dit dans 1jn. Si on dit l’avoir connu sans garder ses commandements (1jn) on ment où on croit un mensonge si quelqu’un d’autre l’affirme et on le croit, où on se ment si on pense que quelqu’un l’a connu mais ne garde plus.

  5. Eh bien, voici qui est intéressant M Maurice:

    «Dieu veut que tous les hommes soient sauvés.» Il me semble que vous soulevez très exactement le fait qu’ici que, bien que Dieu “qu’il exprime son plaisir de voir” une chose se réaliser, il ne la “commande” pas toujours. Ce n’est pas parce que Dieu “souhaite” que tous les hommes soient sauvés qu’il “commande” que tous les hommes soient sauvés, c’est clair. Quand Dieu a “excité” David pour qu’il dénombre le peuple…bien que cela apparaissait une abomination -un péché grave- pour son premier officier de l’armée…David l’a fait. Il avait été “excité” par l’Éternel (2 Sam 24). Avait-il sa volonté propre ? Considérant que le texte dit que l’Éternel pousse pour que cela se fasse…il y aucune option pour celui qui est sous cette influence, n’est-ce pas ? A-t-il sa volonté propre à cet instant ? Pour les tenants du libre arbitre, c’est certain que sa volonté était impliquée. Mais au final, avait-il vraiment le choix ? Sous influence de l’autorité divine, nous constatons il n’a été que la courroie de transmission dans ce passage. De toute manière, dans ce contexte, bien qu’il ait obéi…il a subi les conséquences de son…obéissance (v.10 ss)

    Au sujet de «Donc quel sens prend la non persévérance»
    « Jean dit que celui qui dit qu’il a connu le Seigneur et qui ne garde pas ses commandements est menteur » 1Jean 2:4

    Si nous n’accomplissons pas la Loi, nous sommes menteur

    Est-ce à dire qu’une fois sauvé, l’homme respecte les commandements ?
    Réfléchissons…
    Ah voilà. Ce que ce même Jean déclare:
    «Si nous disons que nous n’avons pas péché, nous le faisons menteur, et sa parole n’est point en nous.» 1Jean 1.10

    Si nous nous croyons sans péché…c’est que nous le sommes donc tout autant, non ?

    …en conclusion, nous sommes tous menteurs ! (c’est la Parole qui le déclare et je le crois)
    Au final, nous sommes des menteurs sauvés par grâce et aimés par la même grâce; voilà qui me convient !
    Sa grâce surabonde, c’est si bon de le savoir si pardonnant. Et il ne se lasse pas de pardonner (Esaïe 55.7)

    Après avoir eu une vie missionnaire étonnante, c’est Paul lui-même qui reconnait que:

    «Car je ne fais pas le bien que je veux, et je fais* le mal que je ne veux pas.» Rom.7.19
    *gr.translittéré/ prasso = je pratique, j’exerce

    S’il existe un brin d’honnêteté dans notre marche de pécheur, c’est celle qui exprime l’esprit contrit à tout moment.

    «Je pense souvent que Dieu a cherché quelqu’un d’assez insignifiant et d’assez faible pour pouvoir l’utiliser, et qu’il m’a trouvé» Hudson Taylor’s secret, p.201

    CB

  6. La securite eternelle est conditionnelle : Tous les croyants sont pleinement assures du salut a la condition de rester en Christ. Le salut est conditionne par la foi, donc la perseverance est egalement conditionnee

    • Dire que la sécurité éternelle est conditionnelle est une contradiction en soi. Affirmer que la grâce de Dieu par laquelle Dieu nous sauve est conditionnelle à notre persévérance est une incohérence parce que ça revient à dire que le salut dépend de nos œuvres et de nous-mêmes. Dans cet état de compréhension, il n’est pas une grâce de Dieu, ce qui contredit l’Ensemble du N-T.

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