L’unité des chrétiens, mais à quel prix?

Il arrive d’entendre des chrétiens dire que la théologie biblique est une discipline intellectuelle qui complique négativement les rapports entre les chrétiens. Ce point de vue souvent entendu se nourrit de l’idée que l’étude poussée de l’Écriture (la lettre qui tue, diront certains)[1] éloigne les chrétiens de l’idéal d’une vie pleinement dirigés par la puissance du Saint-Esprit. C’est donc à la fois l’unité et la liberté des chrétiens que l’étude de la doctrine biblique affecterait. Bien entendu, je sais que la plupart des chrétiens n’appuient pas de façon intentionnelle une telle idée. C’est bien inconsciemment qu’on y adhère malgré tout.

L’unité à tout prix

Généralement, lorsque des chrétiens de différentes confessions décident de construire des ponts entre eux, ils empruntent automatiquement la voie du compromis doctrinal. L’intention peut parraitre louable dans la mesure où celui qui cherche la paix ne la trouvera jamais sans faire un minimum de compromis raisonnables. Nos relations humaines ne sont-elles pas construites sur des accommodements raisonnables? Mais à la fois, y a-t-il une limite aux compromis que nous devons faire pour obtenir l’unité? Et qui plus est, existe-t-il des compromis à ne pas faire?

La doctrine biblique

De l’avis de bien des chrétiens, pour obtenir l’unité, il faut délaisser ce qui nous divise et insister sur ce qui nous unit. À première vue, cette idée semble pleine de sagesse, mais en vérité, elle comporte un piège à haut risque. Lequel? Puisque dans bien des cas les éléments qui nous divisent sont d’ordre théologique, ce sont forcément des contenus doctrinaux fondamentaux qui seront mis de côté. Ainsi donc, en voulant répondre aux exigences divines sur la nécessité de s’aimer les uns les autres dans l’unité, il faudra retirer de l’équation la source d’instruction biblique nécessaire à l’accomplissement de cette même vérité[2]. N’est-ce pas absurde?

Par exemple, très souvent la doctrine de l’élection et de la prédestination se retrouve au cœur du litige.  Or, cette thématique est fondamentale puisqu’elle impacte directement notre compréhension des doctrines de la justification et la sanctification. Il ne s’agit pas ici d’un thème biblique secondaire de moindre importance puisque de toutes les grandes doctrines bibliques, celle du salut est la pièce maîtresse de l’œuvre de Dieu. Est-ce normal de délaisser un élément théologique de cette importance au profit de l’unité? C’est pourtant souvent le cas. Les grands défenseurs de l’unité chrétienne sont prêts à adopter les versions les plus diluées possible de cette doctrine pour éviter les tensions divisionnaires. L’important avant tout disent-ils, c’est de s’aimer les uns les autres.

Voyons un peu

La rédemption est au cœur même de l’Évangile comme l’élément central autour duquel l’unité de l’Église se construit. Il se peut que notre compréhension de cette vérité diffère d’une église à l’autre, mais jamais au grand jamais elle ne devrait être amoindrie pour assurer plus d’unité entre chrétiens.

Si l’unité des chrétiens devait être construite sur autre chose qu’une vérité aussi importante que la doctrine du salut, c’est tout l’édifice de l’Église qui tomberait en ruine. Faire passer l’amour et l’unité avant les décrets salutaires de Dieu revient à réduire l’œuvre de Dieu au niveau de l’immaturité des chrétiens. C’est comme si on reprochait à Dieu d’être lui-même à l’origine des divisions qui nous affligent à cause des doctrines que sa Parole impose. L’amour fraternel répondant aux exigences de Dieu n’est possible qu’à la seule condition où il s’enracine sur la connaissance de Dieu. Autrement, cet amour ne sera rien de plus qu’un humanisme sans substance.

« 9 Et ce que je demande dans mes prières, c’est que votre amour augmente de plus en plus en connaissance et en pleine intelligence 10 pour le discernement des choses les meilleures, afin que vous soyez purs et irréprochables pour le jour de Christ, 11 remplis du fruit de justice qui est par Jésus-Christ, à la gloire et à la louange de Dieu. [3]»

Il semble bien que pour l’apôtre l’unité passe avant tout par une connaissance et une pleine d’intelligence de l’amour de Dieu. Notre amour les uns pour les autres passe d’abord par une connaissance de Dieu et non par une connaissance de NOUS jumelée à nos bonnes intentions humaines. C’est de l’amour de Dieu dont il est question, et non de notre version de l’amour contaminée par le péché.

Le problème est humain et non divin

Comment sortir de ce dilemme? Il faut d’abord reconnaître que les divisions dans l’Église ne sont pas causées par les doctrines bibliques, mais par l’immaturité qui nous habite. La Parole de Dieu nous incite à préserver l’unité entre nous, elle nous impose de s’aimer les uns les autres certes, mais pas au prix du renoncement à l’étude sérieuse de l’Écriture, mais au prix du renoncement à nous-mêmes, à nos tendances querelleuses et à nos cœurs qui s’enflamment dans des justices propres inutiles. Je retiens comme hautement précieuse l’instruction de l’apôtre Paul qui disait aux Colossiens :

« 12 Ainsi donc, comme des élus de Dieu, saints et bien-aimés, revêtez-vous d’entrailles de miséricorde, de bonté, d’humilité, de douceur, de patience. 13 Supportez-vous les uns les autres, et, si l’un a sujet de se plaindre de l’autre, pardonnez-vous réciproquement. De même que Christ vous a pardonné, pardonnez-vous aussi. 14 Mais par-dessus toutes ces choses revêtez-vous de la charité, qui est le lien de la perfection. 15 Et que la paix de Christ, à laquelle vous avez été appelés pour former un seul corps, règne dans vos cœurs. Et soyez reconnaissants[4]»

On peut appartenir à des familles d’églises qui adhèrent à des systèmes théologiques différents et très assumés sans pour autant que l’on ait à renoncer à l’amour fraternel. En ces choses, suivons la recommandation de Paul et revêtons-nous plutôt d’entrailles de miséricorde, de bonté, d’humilité, de douceur, de patience.

Réal Gaudreault

[1] Il importe de savoir que l’expression « lettre qui tue » tirée du texte de 2 Cor 3 : 6 ne fait nullement référence à l’étude approfondie de l’Écriture mais à la Loi de Moïse par lequel d’homme est déclaré coupable de mort devant Dieu.

[2] Jean 13 : 34-45 « 34 Je vous donne un commandement nouveau : Aimez-vous les uns les autres; comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. 35 A ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres. »

[3] Philippines 1 :9-11

[4] Colossiens 3 : 12-15

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4 Comments

  1. Merci encore pour ce message éclairé et éclairant. Plus important que jamais, quand des églises «évangéliques» parlent de «Last Réform, ou New Reform,» (style Bethel Church) et où des chrétiens courent partout pour avoir de l’action. La «génération unité», qui fait des dégâts et salit le nom de notre bien aimé Sauveur et Seigneur.

  2. La question de l’unité entre différentes familles chrétiennes est, c’est vrai souvent source de division. Mais heureusement, lorsqu’elle est vécue simplement, et sans trop d’ambition, elle est source de bénédiction.

  3. La question de l’unité entre différentes familles chrétiennes est, c’est vrai souvent source de division. Mais heureusement, lorsqu’elle est vécue simplement, et sans trop d’ambition, elle est source de bénédiction.

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