Il y a bien des débats qui seront soulevés suite au massacre révoltant des artisans du Charlie Hebdo. Depuis 4 jours, on s’inquiète surtout des conséquences qu’un tel évènement aura sur le droit à la liberté d’expression de tous ceux qui osent critiquer l’extrémisme religieux en Occident. Je crois fermement à la nécessité du droit à la liberté de critiquer les croyances religieuses, même le christianisme dont je fais partie à titre de pasteur évangélique. Je me permets souvent moi-même de critiquer nos milieux évangéliques qui peuvent à l’occasion sombrer dans la bêtise. Bref, refuser la critique, c’est aussi refuser d’être suffisamment articulé pour défendre intelligemment ses convictions.
Nous le savons, le radicalisme n’est pas une option pour les chrétiens même lorsqu’ils sont persécutés. Trop de textes bibliques affirment clairement ce que doit être la posture du chrétien devant la folie du cœur de l’homme : la douceur et le respect.
1 Pierre 3 : 15-17
« 15 Mais sanctifiez dans vos cœurs Christ le Seigneur, étant toujours prêts à vous défendre, avec douceur et respect, devant quiconque vous demande raison de l’espérance qui est en vous, 16 et ayant une bonne conscience, afin que, là même où ils vous calomnient comme si vous étiez des malfaiteurs, ceux qui décrient votre bonne conduite en Christ soient couverts de confusion. 17, Car il vaut mieux souffrir, si telle est la volonté de Dieu, en faisant le bien qu’en faisant le mal. » Dans l’Évangile de Mathieu (5 :43),
Jésus va encore plus loin que l’apôtre Pierre en disant :
« 43 Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi. 44, Mais moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent, 45 afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. »
Mais attention, gardons l’équilibre
Lorsque nous sommes confrontés à des évènements tragiques comme ceux qui sont arrivés cette semaine à Paris, il est facile de suivre la vague émotive qui nous conduit à défendre l’indéfendable. Je m’explique : les meurtres commis par les frères Kouachi sont inacceptables, et ce malgré le contenu haineux des caricatures de Charlies Hebdo. Malgré cela, je ne vais pas pour autant défendre la liberté de presse injurieuse que se donnaient les caricaturistes de cette revue de mauvais goût. En France comme ici au Canada, la critique contre l’Islam radical est librement exprimée dans nos journaux et souvent avec justesse et contenu. La liberté d’expression est l’art d’oser critiquer, mais encore faut-il savoir comment le faire avec les nuances d’un argumentaire qui convainc et instruit. Mais voilà ce n’est pas cette forme de liberté d’expression saine qui a été attaquée cette semaine à Paris.
Puisque les artisans de cette revue se définissaient eux-mêmes comme des athées irrévérencieux, le Charlie Hebdo se présentait déjà comme une revue qui incite à la provocation. Les fanatiques islamiques qui ont attaqué Charlie Hebdo n’ont pas nécessairement attaqué la liberté d’expression, mais ont plutôt voulu attaquer un autre camp d’extrémistes. Voilà comment on règle malheureusement les choses entre extrémistes. Et c’est déplorable.
Je ne suis pas Charlie
Je ne suis pas Charlie parce que je suis Chrétien et que cette appartenance ne me permet pas d’associer le nom de Jésus à toutes les bêtises de ce siècle. Je suis portant d’accord avec l’exercice de la libre critique même lorsqu’elle s’en prend au christianisme, mais je vois une énorme différence entre une saine critique et la satire haineuse de Charlie Hebdo dont l’unique excuse est de se moquer des gens au nom de l’humour.
Nos parlements occidentaux votent des lois qui protègent les citoyens contre le harcèlement haineux. Nos libertés individuelles sont normalement protégées par la constitution, non? Alors, comment se fait-il que les humoristes puissent sans problème tenir et nourrir des discours haineux sans jamais craindre de représailles des autorités civiles? Y aura-t-il un débat là-dessus en France et au Québec?
Si moi comme chrétien je faisais des caricatures (humoristiques) semblables à celles de Charlie Hebdo contre les Juifs, les musulmans, voire même les homosexuels ou autres, est-ce que nos médias défendraient ma liberté d’expression. Certes non! Soyez sans crainte, si des chrétiens s’adonnaient à ce genre de caricatures, je serais le premier à m’insurger contre eux. Voilà pourquoi le concept de liberté d’expression est à géométrie variable en Occident.
Les extrémistes
J’entends déjà des réponses à ce questionnement. On me dira que Charlie Hebdo ne s’attaquait pas nécessairement à l’Islam, mais aux extrémistes islamiques. Désolé, mais c’est faux. Charlie Hebdo est une revue qui ne cachait pas son mépris du phénomène religieux. Plusieurs personnalités et journalistes français n’appréciaient pas non plus le travail de Charlie Hebdo qu’ils jugeaient de très mauvais goût aussi. Charlie Hebdo était vu comme du journalisme délinquant.
Quoi en penser?
Si la posture du chrétien invite à la douceur, cette douceur n’invite pas pour autant à la naïveté. La douceur n’est pas le silence, mais la science d’un argumentaire qui ose dénoncer la bêtise en tout respect de langage. Jésus lui-même s’est insurgé dans Jean 8 contre les pharisiens. Jésus s’est permis très souvent de juger des gens et des situations lorsqu’il le fallait. L’apôtre Paul nous dit également ceci :
Éphésiens 5 : 4-11
« 4 Qu’on n’entende ni paroles déshonnêtes, ni propos insensés, ni plaisanteries, choses qui sont contraires à la bienséance ; qu’on entende plutôt des actions de grâces. 5, Car, sachez-le bien, aucun impudique, ou impur, ou cupide, c’est-à-dire, idolâtre, n’a d’héritage dans le royaume de Christ et de Dieu. 6 Que personne ne vous séduise par de vains discours ; car c’est à cause de ces choses que la colère de Dieu vient sur les fils de la rébellion. 7 N’ayez donc aucune part avec eux. 8 Autrefois vous étiez ténèbres, et maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur. Marchez comme des enfants de lumière ! 9, Car le fruit de la lumière consiste en toute sorte de bonté, de justice et de vérité. 10 Examinez ce qui est agréable au Seigneur ; 11 et ne prenez point part aux œuvres infructueuses des ténèbres, mais plutôt condamnez-les. »
Conclusion
Il est grandement souhaitable que le procès qui sera fait à la suite de cet attentat meurtrier ne soit pas seulement celui de l’Islam radical, mais aussi celui d’une certaine liberté d’expression de mauvais goût qui n’aide en rien a la création de rapport plus harmonieux dans nos sociétés.
Réal Gaudreault
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