Y a-t-il une place pour les chrétiens en politique?

Dans une courte vidéo de 3 minutes[1], John MacArthur affirme que les chrétiens n’ont rien à faire en politique. « La politique de ce pays (États-Unis) n’a aucun impact sur le Royaume de Dieu », dit-il. Selon lui, les pasteurs devraient être connus parce qu’ils prêchent l’Évangile et rien d’autre. MacArthur va jusqu’à affirmer que pour un pasteur, se mêler de politique est une forme de prostitution. En gros, la politique concerne les affaires du monde et non le Royaume de Dieu, voilà pourquoi il faut s’en éloigner. Au mieux, les chrétiens peuvent soutenir et encourager des idées politiques qui sont moralement justes par rapport aux valeurs de l’Évangile, mais sans plus.

Pourquoi je ne partage pas son avis ?

Malgré tout de respect que j’ai pour John MacArthur[2], je crois qu’un détail très important échappe à son analyse. Comme beaucoup de ses confrères, M. MacArthur est né dans un pays où l’univers politique et social est depuis toujours favorable au christianisme[3]. C’est grâce au Premier Amendement de la Constitution des États-Unis d’Amérique ratifiés en 1791 [4], qui garantit à chaque citoyen la liberté de culte si on y trouve des églises qui s’érigent en gigantesques empires de l’Évangile.

La confortable réalité du christianisme aux États-Unis est à contre-courant de ce que vivent des millions de chrétiens partout ailleurs dans le monde. Dans ce pays où coulent le lait et le miel, les milieux évangéliques possèdent des réseaux télévisuels, des hôpitaux, des écoles, des universités, des parcs d’attractions et plus encore. Les chrétiens y représentent pas moins de 30% de sa population, soit presque 100 millions de personnes.

John MacArthur semble ignorer que tous les avantages dont il jouit lui-même actuellement sont le fruit des chrétiens qui, depuis 1791, se sont impliqués en politique. Il est vrai que la politique en elle-même ne sauve personne, cependant, la présence des chrétiens dans ce milieu a favorisé grandement l’essor des conditions gagnantes permettant la diffusion de l’Évangile plus que n’importe où ailleurs dans le monde. Si M. MacArthur n’est pas persécuté pour sa foi chrétienne dans son pays, c’est parce des chrétiens avant lui ont cru que la politique était une affaire importante.

Cela étant dit …

La séparation des pouvoirs, religieux et politique, est une mesure importante à laquelle je souscris entièrement. Mais cela ne veut pas dire que les valeurs éthiques qui découlent de la Bible, lesquelles s’incarnent, dans la vie des chrétiens sérieux sont inutiles dans l’espace public. Nous le savons, la richesse culturelle de ce vaste pays s’est construite sur des influences venues des quatre coins du monde. Or, le christianisme est sans conteste l’une de ses influences les plus marquantes. En fait, ce sont les valeurs chrétiennes qui ont fait de ce pays l’un des endroits les plus enviés de la planète.

Un pays de liberté

Bon nombre des premiers arrivants en Amérique[5] fuyaient des pays qui les privaient de leur liberté religieuse. Ils sont venus d’Angleterre, de France, d’Allemagne, de Hollande, d’Italie, d’Espagne et même de Russie pour trouver un lieu où vivre leur foi en paix. Même les juifs souvent persécutés en Europe ont trouvé en ce pays un asile ou ils peuvent vivre loin des carnages. C’est grâce aux chrétiens, voire même à des pasteurs impliqués en politique si cela a été rendu possible[6].

C’est aussi grâce à la persévérance de William Wilberforce (un politicien et un chrétien engagé) si en 1807[7] le Parlement de Londres a procédé à l’abolition de la traite des esclaves dans ses colonies[8]. Que dire D’Abraham Lincoln et de Martin Luther Kings et tous les autres qui, comme eux, ont joué un rôle déterminant en tant que chrétiens et politiciens. La politique en elle-même n’est pas porteuse de la révélation biblique qui conduit au salut en Jésus-Christ, mais elle porteuse des grâces communes par lesquelles Dieu fait du bien aux hommes de tous les peuples.

Conclusion

Encore aujourd’hui des peuples entiers tels que les populations des pays de l’Asie du Sud-est et des pays arabes sont privés des richesses de l’Évangile[9]. Dans plusieurs cas, le verrou qui ferme la porte à la Bonne-Nouvelle est de nature politique. Voilà pourquoi je crois que les chrétiens ont leur place en politique. Je reconnais cependant que le rôle des pasteurs est d’abord de prêcher l’Évangile et non de faire de la politique une obsession à temps plein. Mais à la fois, les chrétiens, comme tout autre groupe qui ont des idées à défendre, ont quelque chose à dire sur l’espace public et ce pour l’intérêt commun et le mieux vivre ensemble.

Réal Gaudreault

[1] La vidéo en question date de novembre 2013 et peut être écoutée sur ce lien : https://www.youtube.com/watch?v=P9pN-Pyu3wg

[2] John MacArthur est un pasteur, un théologien et un auteur prolifique. Ses ouvrages, reconnus pour leur rigueur ont nourri des millions de chrétiens à travers le monde depuis des décennies. https://fr.wikipedia.org/wiki/John_F._Mc_Arthur

 

[3] Il faut cependant admettre que les choses sont malheureusement en train de changer à cet égard. Les chrétiens ont de en plus de difficultés à faire entendre leurs points de vue sur certains enjeux cruciaux telles que la question des droits des homosexuels qui tendent imposer aux chrétiens une posture que ces derniers jugent inconfortable.

 

[4] https://fr.wikipedia.org/wiki/Premier_amendement_de_la_Constitution_des_%C3%89tats-Unis

 

[5] http://www.cosmovisions.com/ChronoEtatsUnis0101.htm

 

[6] En disant cela, je ne veux certes pas ignorer la part de la souveraineté de Dieu dans sa maitrise de l’évolution de l’histoire humaine.

 

[7] Le Slave Trade Acte

 

[8] L’exemple de William Wilberforce en Angleterre est pertinent ici parce le peuple américain est l’héritier direct des valeurs morales et spirituelles du monde britannique.

[9] Il y aurait pas moins de 50 pays dans le monde où vivent des chrétiens persécutés selon le site Portes Ouvertes : https://www.portesouvertes.fr/persecution-des-chretiens/

 

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4 Comments

  1. LA DIFFÉRENCE ENTRE ″FAIRE DE LA POLITIQUE″ ET ″FAIRE VALOIR UNE VUE POLITIQUE″
    Bonjour Réal, à l’idée que des gens de notoriété tel John Mc Arthur tiennent un tel discours…n’est pas une surprise. Il est pasteur après tout, pourquoi en serait-on étonné ? Son parti pris, est le parti de Jésus-Christ, n’est-ce pas conséquent de sa part ? Cela semble défendable à première vue. Mais arrêtons-nous et réfléchissons un peu plus loin. Voyons sommairement ce que l’Écriture dit du sujet.
    Franchement ! Quant à moi, son point de vue relève d’une spiritualisation plutôt simpliste de la réalité pratique du chrétien qui souhaite participer aux décisions de son école, de sa municipalité, de sa province ou de son pays. Et je m’explique. M. Mc Arthur –dans la vidéo- se montre d’accord avec le fait que le chrétien prenne position politiquement et comme électeur. Même les choix religieux d’un citoyen parlent de ses positions politiques (parlez avec les gens d’une certaine ″Bible belt″ américaine raciste) Sur ce point, je comprends la perspective de M Mc Arthur. Par contre, lorsqu’il avance qu’un pasteur qui s’engage en politique public se prostitue (et je le cite) : ″le pasteur qui fait cela, je pense qu’il se prostitue″…ça sent le dogme !
    Des textes comme Actes 25 nous montre bien que même Paul en tant qu’Apôtre usait de son droit romain (lui un pharisien des pharisiens était aussi citoyen de Rome…) pour échapper à ses détracteurs religieux (v.20). Dans ce passage, il comptait faire valoir son point de vue à l’empereur César (comme son droit de citoyen le prévoyait). Il aurait pu ne pas faire valoir cette partie de son identité, il était d’abord un citoyen du ciel (comme le déclame M. Mc Arthur). Il a invoqué son droit de citoyen de Rome à d’autres occasions d’ailleurs. Qu’est-ce que cela nous dit d’un chef de file comme Paul ? Devant ses congénères, Paul était un représentant redoutable de l’église néotestamentaire. D’invoquer ainsi ses droits, pour échapper à ses tyrans, relevait de la pure stratégie politique. Qui n’aurait pas agit ainsi ? Et je ne parle pas ici de «faire de la politique » mais bien d’user de moyen politique correct pour faire valoir un droit reconnu. Pour que Paul soit accusé de « faire de la politique » , il aurait fallu qu’il fasse campagne contre ses détracteurs par des attaques et des propos douteux (demi-vérités).
    Allons un cran plus loin maintenant.
    Certains pourraient dire que lorsque Paul a invoqué son droit dans ce passage, ce n’était qu’un geste politique ponctuel et individuel. Mais rappelons que le fait que Paul parcourait l’Asie pour évangéliser, il était reconnu de facto «chef de la secte des nazaréens» Act.24 aux yeux de ses semblables. Les convertis qui découlait de ses campagnes devait prendre position contre leurs dieux voire contre leurs chefs (religieux et politiques -Actes 17.7- puisque État et religion était intimement à cette époque; Césars étant considéré un dieu*…). Paul était un représentant reconnu de la foi en Jésus, il était le chef du ″parti chrétien″ de son ère pour certains. Une fois qu’on a dit cela, qui a dit que le chrétien ne pouvait s’engager en politique ? L’Écriture n’enseigne pas cela, bien au contraire.
    S’engager pour ″un″ parti politique moderne, tout en respectant l’éthique biblique…voilà ce qui est plus sensible. À moins d’être engagé dans un parti (probablement marginal) qui partage sur le fond les valeurs bibliques, ce sera ardu. Certains noms (Canada) comme Preston Manning, Stockwell Day et plus récemment Stephen Harper vous rappelle-il quelques choses ? Tous des politiciens dont on disait qu’ils étaient des ″évangélistes chrétiens″. Que l’on soit pour ou contre leurs points de vue, ici n’est pas la question. Certains sujets très sensibles (ex : l’islam, l’homosexualité, avortement, l’euthanasie etc.) et qui semble faire une certaine unanimité dans les plus importants partis du Canada, peuvent-ils être appuyés par un chrétien ? À moins de la tenue d’un vote privé en Chambre, le chrétien ne peut en appuyer de telle position sans offenser de façon frontale, son Maître.
    Le chrétien qui s’engage dans de tels partis, se trouve donc confronté à des plates-formes que ces mêmes partis ont défendus afin de ″faire avancer les valeurs québécoises ou canadiennes″ des dernières années (pression de lobbys puissants).
    Toute position qu’un enseignant ou un pasteur chrétien exprime à la chaire a une incidence politique, qu’il le veuille ou non. Il fait campagne toute sa vie pour les valeurs et principes ″politiques″ de Jésus-Christ. Prêchez le salut par grâce tient davantage du discours d’une sorte de la ″gauche″ que celui du salut par les œuvres qui déclare que pour ″gagner son ciel″, il faut le mériter et se faire valoir en tant que personne (comme on gagne sa place dans la société, sinon tant pis pour les plus démunis). Attention, je ne dis pas que le chrétien adoptera tous les principes de la gau-gauche à tout crin mais je verrais bien mal un chrétien faire la promotion du camp de la ″droite d’affaire″ qui estime que tout est monnayable dans la vie, peut-importe votre condition.
    Quant à moi, les propos de Mc Arthur s’apparentent davantage à une réaction aux circonstances que l’on connaît de la campagne américaine (sale) qui se déroule actuellement que d’un ″principe chrétien″.
    Ceci dit, si à votre question, un chrétien répond ″oui, je le veux !″, c’est comme pour le mariage, c’est pour le meilleur et pour…
    Avant de s’engager en politique, le chrétien doit se poser des questions comme: En m’engageant en politique public active (surtout lorsqu’il s’agit des grands partis), pourrais-je survivre au contexte malsain du style de campagne que l’on connait, sans moi-même me faire prendre aux jeux des attaques personnelles et disgracieuses? Vais-je pouvoir résister à la corruption et aux malversations qui pourraient survenir ?

    Un bon indice pour terminer: “Si cette entreprise ou cette œuvre vient des hommes, elle se détruira” Actes 5

    * Suétone, Vie des douze César – César, 88 :
    « Il périt dans la cinquante-sixième année de son âge, et fut mis au nombre des dieux, non seulement par le décret qui ordonna son apothéose, mais aussi par la foule, persuadée de sa divinité. »

  2. Cela serait bien si Stephen Harper écrivait un livre sur son expérience.
    Cela pourrait servir à d’autres chrétiens qui aspirent à travailler dans ce domaine. Cela ne doit pas être facile de demeurer intègre et faire la volonté de Dieu dans ce milieu. Peut-être qu’une bonne raison d’aller en politique, c’est d’être une lumière et de partager l’évangile auprès de ses collègues de travail. C’est c’est ce que Jimmy Carter a fait selon son témoignage. http://www.mbcplains.org/

  3. À deux reprises, après l’élection de M Trump, les discours des amis chrétiens furent sur “un Daniel, un Joseph et une Esther” . Le but de cité ces hommes et femme de foi à servis la platforme “comment un chretien peut influencer le système politique”
    L’inpact de ces trois individus fut réel, divin et bénifique pour l’accomplissement des voies de Dieu. Nul ne peut mettre en doute leurs influences sur les grands de ce monde.
    Dieu se sert de qui il veut. Pour le grand chef militaire de la Syrie ,Naaman, ce fut une jeune fille juvie. Pour un faux prophète, un âne!
    Pour nos Daniels et compagnies , leurs ascension au “pouvoir décisionnel” ne fut pas ” politiquement par suffrage”
    mais les trois le furent “fortuitement” Ruth, la Moabite, se trouva fortuitement dans le champs de Boaz . ( version JND) Par voie divine ,elle se trove au bon endroit! Nous on dit “par chance” mais ce n’est pas un jeu de hazzard pour nous croyants.
    Ce trouvé fortuitement sur la scène politique est autre chose que de s’investir dans une course au pouvoir. Le premier est de Dieu, le dernier est il un acte de foi?
    Leur essor ne fut pas

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