Qui sommes-nous pour juger…

Dès qu’un scandale à caractère sexuel impliquant une personnalité connue du monde évangélique éclate, c’est plus fort que nous, chacun y met son petit grain de sel.  Qu’il s’agisse d’une infidélité sexuelle de la part d’un pasteur ou d’un coming-out homosexuel, les réactions sont vives.  Mais peu importe, le point sur lequel je veux surtout insister ici est cette affirmation qui très rapidement apparait toujours dans ce genre de débat : « Qui sommes-nous pour juger. »

Évidemment, cette simple phrase a de quoi fermer la bouche de tout pécheur lucide.  C’est vrai qu’il est malaisé de se faire juge de ceux qui tombent, « Qui sommes-nous pour les juger. »  Cette simple affirmation agit un peu comme un assommoir qui met fin au débat.  Dès qu’elle apparait, on ressent une onde d’inconfort qui laisse planer une odeur d’hypocrisie potentielle.  Et qui de nous veut jouer le rôle ingrat de l’hypocrite de service dans ce genre d’affaires?  De plus, Jésus n’affirme-t-il pas « Ne jugez point, afin que vous ne soyez point jugés. »[1]  Vous voyez l’idée?  Même Jésus nous dit que juger les gens est une mauvaise idée.

Une étrange contradiction

Mais à la fois, si on pousse ce raisonnement jusqu’à sa limite, on obtient quelque chose de tout à fait absurde.  Du coup, si on ne peut pas juger personne, il devient impossible pour une église de gérer les cas de discipline tel que Jésus le demande dans Mathieu 18 : 15-17.  En Mathieu 7, Jésus dit de ne pas juger alors qu’en Mathieu 18, il nous instruit sur la démarche à prendre pour exercer un jugement dans l’Église.  Étrange, non?

« 15 Si ton frère a péché, va et reprends-le entre toi et lui seul. S’il t’écoute, tu as gagné ton frère.16  Mais, s’il ne t’écoute pas, prends avec toi une ou deux personnes, afin que toute l’affaire se règle sur la déclaration de deux ou de trois témoins.17  S’il refuse de les écouter, dis-le à l’Église ; et s’il refuse aussi d’écouter l’Église, qu’il soit pour toi comme un païen et un publicain. »

Précisons que Jésus est l’auteur des deux déclarations qui semblent se contredire ici.  Le jugement qu’il demande de faire dans le texte de Mathieu 18 est très sévère puisqu’il permet non seulement de se prononcer clairement sur l’état moral d’un croyant, mais en plus, ce jugement pourrait même conduire à son l’exclusion de l’église.  Alors, pourquoi dans le même Évangile (Mathieu) Jésus affirme-t-il : « Ne jugez point, afin que vous ne soyez point jugés. »  Ou bien Jésus tenait un double discours, ou bien quelque chose d’important nous échappe.

Un jugement est un avis personnel

Cette apparente contradiction est en faite assez facile à résoudre. Lorsque Jésus nous demande de ne pas juger, il n’est pas en train de nous dire de ne jamais prononcer de jugement, mais il nous demande plutôt de ne pas juger à partir d’une justice étrangère à celle de Dieu. Autrement dit, ce n’est pas à nous de juger de notre propre avis une situation sur laquelle Dieu s’est déjà prononcé. En tant que croyants, nous sommes appelés à juger selon l’Écriture, donc, de prononcer les justes jugements de Dieu, sans plus.

Nous ne possédons pas la liberté de juger les gens à partir d’une justice qui nous est propre et qui fait fi des jugements de Dieu.  Ceux qui affirment que l’homosexualité n’est pas vraiment un péché, ou qui minimisent au nom de la grâce à bon marché cette pratique violent ici même la règle qu’ils prétendent pourtant honorer.  En répétant l’affirmation, « qui sommes-nous pour juger », ils viennent eux-mêmes de juger, car en disant cela, ils prononcent un jugement qui contredit l’Écriture.  Ne point juger signifie simplement de ne pas affirmer autre chose que ce que l’Écriture affirme.  Si je prononce un jugement autre que le jugement de Dieu dans une cause quelconque, je viens donc de juger Dieu.

Un seul est législateur

Par exemple, lorsqu’un juge qui siège dans un tribunal fédéral condamne un assassin à une peine de 25 ans de prison, bien qu’il soit juge, ce n’est pas lui qui juge le coupable, mais la loi.  Cet homme est mandaté par l’État pour prononcer le jugement, mais ce jugement ne vient pas de lui-même, mais du législateur.  Il n’est pas nommé pour juger le coupable à partir de ses sentiments personnels, mais il se doit d’appliquer la sentence prévue par la loi.  Dans sa lettre, Jacques aborde cette question en montrant qu’un seul est législateur et juge et ce dernier est Dieu.

« 11 Ne parlez point mal les uns des autres, frères. Celui qui parle mal d’un frère, ou qui juge son frère, parle mal de la loi et juge la loi. Or, si tu juges la loi, tu n’es pas observateur de la loi, mais tu en es juge. 12  Un seul est législateur et juge, c’est celui qui peut sauver et perdre ; mais toi, qui es-tu, qui juges le prochain ? »[2]

Tu ne dois pas juger ton prochain sur la base de tes opinions et de tes sentiments personnels, car en agissant de la sorte, tu te fais juge de la loi de Dieu, lui qui a déjà prononcé ses jugements.  Voilà ce que Jacques nous dit ici.

La volonté de celui qui m’a envoyé

Tout jugement sur le péché appartient à Dieu, car c’est Dieu qui le premier est offensé.[3]  Dans l’Évangile de Jean, Jésus dit : « Je ne puis rien faire de moi-même : selon que j’entends, je juge ; et mon jugement est juste, parce que je ne cherche pas ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé. »[4]  Comme Jésus, nous sommes appelés à prononcer les justes jugements qui confirment à la volonté du Père.

C’est pourquoi l’affirmation «  Qui sommes-nous pour juger » est dans bien des cas une récupération trompeuse dont l’unique but est de se soustraire à la nécessité de prononcer un jugement claire.   Mais aussi, cette affirmation recèle souvent une intention cachée qui veut faire taire les jugements de Dieu tout en prétendant être fidèle à la volonté de Dieu.  C’est là, je crois, une mauvaise application de la Parole de Dieu.

Réal Gaudreault

[1] Matthieu 7:1

[2] Jacques 4: 11-12

[3]J’ai péché contre toi seul, Et j’ai fait ce qui est mal à tes yeux, En sorte que tu seras juste dans ta sentence, Sans reproche dans ton jugement.»  Psaume 51 : 6

[4] Jean 5:30

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