Dans le premier article intitulé Pour une pédagogie de l’échec[1], j’ai voulu montrer que Jésus a délibérément laissé Pierre le renier trois fois parce que ce dernier devait, tôt ou tard, faire face à ses propres égarements. Non, Pierre n’était pas le super disciple qu’il croyait être et pire encore, il s’est fait remarquer plus que tout autre (excepté Juda) par la lâcheté de son geste. Malgré cet échec, il est celui que Dieu s’est choisi pour présider l’évènement fondateur de l’Église de Jésus-Christ lors de la Pentecôte.
Après la résurrection… (Jean 21)
L’Évangile de Jean nous rapporte qu’après sa résurrection, Jésus se rendit en Galilée à la rencontre des disciples. C’est lors de cette rencontre qu’il pose trois fois à Pierre cette question « Simon, fils de Jonas, m’aimes-tu plus que ne m’aiment ceux-ci ? Il lui répondit : Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime. » Le point important ici n’est pas de vérifier si Pierre aime vraiment Jésus, mais plutôt s’il est toujours aussi convaincu d’être le disciple le plus fidèle de tous. Souvenons-nous que le soir juste avant qu’il n’ait renié le Seigneur trois fois, il avait prétendu que, même si tous abandonnaient Jésus, lui, demeurerait fidèle. Pierre assumait donc que son amour pour Jésus était supérieur à celui des autres apôtres. Nous connaissons les émotions cruelles vécues par l’apôtre après avoir échoué lamentablement. « Et Pierre se souvint de la parole que Jésus avait dite : Avant que le coq chante, tu me renieras trois fois. Et étant sorti, il pleura amèrement. » (Mat 26 : 75)
Alors, on le voit bien maintenant, Pierre ne peut plus prétendre aimer Jésus plus que les autres. Lorsque Jésus demande à Pierre pour la troisième fois si ce dernier l’aime, il devient clair que le Seigneur tient à clore ce mauvais chapitre dans la vie de son disciple : « Simon, fils de Jonas, m’aimes-tu ? Pierre fut attristé de ce qu’il lui avait dit pour la troisième fois : M’aimes-tu ? Et il lui répondit : Seigneur, tu sais toutes choses, tu sais que je t’aime. Jésus lui dit : Pais mes brebis. »
Pierre est attristé, car il sait fort bien où Jésus veut l’amener. Non Jésus ne cherche pas à l’amener dans l’émotion du regret, mais il veut simplement lui montrer pourquoi il l’a laissé le renier sans tenter de lui éviter cette peine. La leçon fut cruelle, mais sans doute plus utile que bien des sermons. Pierre sait maintenant que Jésus connait le fond de son cœur plus qu’il ne le connaitra jamais lui-même. Cette expérience pénible lui a fait découvrir qu’il n’était pas exactement l’homme ni le disciple qu’il croyait être. Comme réponse, on entend presque Pierre dire à Jésus : « Jésus, tu sais que je t’aime. Et moi, je sais que malgré ce fait, rien ne garantit que je ne te renierai pas encore, car je sais maintenant ce qui est se trouve dans mon cœur. »
Jean le winner
Dans la scène suivante, on aperçoit l’apôtre Jean qui arrive. « Pierre, s’étant retourné, vit venir après eux le disciple que Jésus aimait, celui qui, pendant le souper, s’était penché sur la poitrine de Jésus, et avait dit : Seigneur, qui est celui qui te livre ?» (Jean 21 : 20) Si Pierre à complètement échoué, Jean, lui, s’est bel et bien rendu à la croix et s’est même vu confié Marie la mère de Jésus. Pierre sait que Jean s’est rendu à la croix et il sait probablement que Jean sait tout de son échec. Vous voyez le dilemme? Être pris en faute est déjà une expérience profondément humiliante, mais lorsque la faute est un geste de lâcheté contre le Seigneur, on culbute alors dans les dédales de l’insupportable. Bien que ce soit le Seigneur qui fut trahi, je n’ose imaginer la douleur extrême ressentie par l’apôtre. Arrivé aussi bas, le seul remède pouvant relever un homme est la pure grâce de Dieu.
Il n’est pas anodin que dans cette même discussion Pierre ait questionné Jésus au sujet de Jean en disant « 21 En le voyant, Pierre dit à Jésus : Et celui-ci, Seigneur, que lui arrivera-t-il ? 22 Jésus lui dit : Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, que t’importe ? Toi, suis-moi. » Pierre a totalement échoué là où Jean a parfaitement réussi. Il est clair que Pierre devait se sentir comme un moins que rien en présence de Jean. Aux yeux de Pierre, Jean n’est-il pas maintenant le plus qualifié pour paitre le troupeau de Dieu puisque tous savent qu’il a fait preuve de beaucoup de courage?
Que t’importe, toi suis-moi
Pierre a échoué, Jean à réussi. À nos yeux, Jean mérite de prendre du galon dans la direction des affaires à venir de l’église qui s’apprête à naitre. En tout cas, c’est ainsi que nous voyons les choses du point de vue humain. Mais encore une fois, Jésus semble d’un autre avis. La fameuse déclaration « que t’importes ? Toi, suis-moi » est remplie d’espoir. Comment dire? C’est comme si Jésus venait de dire : « Que toi Pierre ait échoué et que Jean ait réussi ne change en rien mon plan pour ta vie. » Pierre portera toute sa vie le souvenir de son échec et Jean portera toute sa vie le témoignage de sa réussite, mais peu importe, car les deux ne sont pas appelés à être les témoins de ce qu’ils ont réussi ou échoué, mais à être des témoins de Christ.
Actes 1 : 8
« Mais vous recevrez une puissance, le Saint-Esprit survenant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. » Comme Pierre et Jean, nous ne sommes pas appelés à être les témoins de nos réussites ou de nos échecs, mais bien plus à être des témoins de Christ. C’est n’est pas ce que nous sommes dans la chair qui importe, mais ce que nous sommes devenus en Jésus-Christ, c’est-à-dire, une nouvelle création. L’échec de Pierre n’est pas une nuisance pas plus que la réussite de Jean serait un avantage, car dans le royaume de Dieu, ce qui importe, c’est d’être une nouvelle créature, régénérée par une semence incorruptible. (1 Pierre 1 : 23)
Réal Gaudreault
[1] http://www.pointdevuebiblique.com/pour-une-pedagogie-de-lechec-formation-de-disciple/
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