Pour une pédagogie de l’échec (formation de disciple)

Le Nouveau-Testament recèle des perles tout à fait uniques en matière de leadership.  Par exemple, pourrait-on imaginer un seul instant que le plus fameux des apôtres ait été un traitre.  Bien entendu, je ne vous parle pas de Juda, mais de Pierre.  Eh bien oui, l’apôtre Pierre est connu pour être celui qui a renié Jésus trois fois avant que le coq ne chante.  Je sais que nous connaissons tous cette histoire, mais permettez-moi d’y voir un des principes fondateurs les plus importants de la formation de disciple.

Les faits  (Mat 26 : 31-37)

Le problème commence au moment où Jésus annonce à ses apôtres que son heure est venue, il sera livré la nuit même pour être jugé.  Il ajoute ; « Je serai pour vous tous, cette nuit, une occasion de chute ; car il est écrit : Je frapperai le berger, et les brebis du troupeau seront dispersées. »  Aussitôt que Pierre entend cette phrase, il s’élève à la hauteur du super-disciple qu’il croit être en disant : « Quand tu serais pour tous une occasion de chute, tu ne le seras jamais pour moi. » Vous entendez Pierre, il assume être un disciple d’une qualité supérieure aux 11 autres.  Mais Jésus lui répond : « Je te le dis en vérité, cette nuit même, avant que le coq chante, tu me renieras trois fois. »  Mais non, mais non lui dit Pierre « Quand il me faudrait mourir avec toi, je ne te renierai pas. Et tous les disciples dirent la même chose. »  Au fond, Pierre est en train de dire ; « Écoute-moi bien Jésus, il se peut que les autres te renient comme tu le dis, mais je trouve vraiment désolant que tu me juges comme si j’étais un lâche comme eux.   Je suis un bien meilleur disciple que tu le penses.»

À trop vouloir être un vrai de vrai disciple… 

À trop vouloir être le meilleur parmi les meilleurs des disciples, on finit par se heurter au meilleur des formateurs de disciples que la Terre ait connu, c’est à dire, Jésus.  On pourrait à juste titre imaginer un Jésus colérique devant l’insistance de Pierre que se croit au-dessus des prédictions de Jésus.  Mais voilà, juste après avoir dit à Pierre qu’il le renierait trois fois la nuit même, Jésus ajoute ceci : « 36 Là-dessus, Jésus alla avec eux dans un lieu appelé Gethsémané, et il dit aux disciples : Asseyez-vous ici, pendant que je m’éloignerai pour prier. 37 Il prit avec lui Pierre et les deux fils de Zébédée, et il commença à éprouver de la tristesse et des angoisses. » Non, mais que se passe-t-il ici ; après avoir dit à Pierre, tu me renieras trois fois d’ici quelques heures, il l’invite à un meeting de prière à Gethsémané.  Comme si de rien n’était!  Wow, que se passe-t-il ici?

Pourquoi Jésus n’a-t-il pas tenté d’empêcher Pierre de la trahir de la sorte?  Si renier le Seigneur est un péché d’une gravité sans nom, pourquoi Jésus ne corrige-t-il pas sur le champ cette lacune.  Si être un bon disciple consiste à être un modèle de fidélité, comment Jésus peut-il laisser Pierre s’enfoncer dans une spirale aussi ignoble?  Au contraire, Jésus fait comme si de rien n’était et continu de vivre avec Pierre comme si tout était normal.  Se pourrait-il que nous soyons ici devant un principe méconnu sur la formation de disciple.

Voyons un peu

Nos plans de formation de disciples poursuivent à peu près toujours le même but; apprendre au futur disciple à faire les choix les plus justes possible.  Nous croyons que le vrai disciple est celui qui réussit à dompter ses zones de faiblesses.  Il ne nous vient pas à l’esprit que Jésus était peut-être d’un autre avis là-dessus.  S’il n’a pas instruit Pierre sur les moyens à prendre pour éviter le reniement, c’est qu’il à jugé que cet échec serait pédagogiquement plus utile.  Il fallait que Pierre échoue pour que sa formation puisse franchir l’étape de la justice propre. Les réussites nourrissent la justice propre de l’homme alors que les échecs conduisent vers plus d’humilité. Et ce qui fait la marque d’un vrai disciple c’est l’humilité et non le riche contenu de ses accomplissements.

La pédagogie de l’échec

Le vrai disciple de Jésus-Christ doit d’abord passer par le brisement.  On parle ici d’une pédagogie de l’échec.  L’exemple de Pierre est parfaitement éloquent parce que ce dernier croyait et voulait être un disciple fidèle pour son maitre.  On le voit bien, Pierre souhaitait intensément et honnêtement plaire à Jésus.  Il ne veut pas être un disciple ordinaire, mais le meilleur de tous.  Cette attitude n’est-elle pas celle qui nous recherchons chez un disciple?  Nous oui, mais pas Jésus.  En laissant Pierre le renier trois fois, le Seigneur à délibérément fait en sorte de détruire dans son cœur cette attitude nocive et hautaine.  On ne devient pas un serviteur de Dieu en s’appuyant sur nos bonnes intentions, sachons-le.

La plus grande leçon que nous devons tirer de cette histoire est que l’une des premières étapes dans la formation de disciple consiste à être dépossédé de l’idée (fantasme) que l’on se fait du disciple fidèle que nous souhaitons devenir.  Toutes les bonnes intentions de Pierre ont été complètement anéanties en une seule nuit par Dieu.  Non, Pierre n’était pas l’homme fidèle qu’il croyait être, en fait il n’était qu’un lâche comme tous les autres et cela, il fallait qu’il en prenne conscience.

Dans un prochain article nous verrons que, non seulement cet échec ne fut pas une fin en soi pour Pierre, mais bien plus, elle lui permit de devenir l’apôtre extraordinaire que nous apprécions tous.

Réal Gaudreault

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