L’église du 3e millénaire serait-elle dopée aux stéroïdes d’un capitalisme malveillant?

Introduction

Selon vous, est-ce que la chrétienté évangélique telle qu’on l’observe se porte bien actuellement? Comment savoir? Quels seraient les bons indicateurs pour analyser et trouver des réponses satisfaisantes à cette question? Lorsqu’on voit une église bondée d’hommes et de femmes qui louent le Seigneur de tout leur cœur un dimanche matin, on pourrait dès lors en déduire qu’elle est en santé, non? En ce qui me concerne, ça me semble plutôt mince comme démonstration, car je sais à quel point certains pasteurs (et leur équipe) sont des maitres dans l’art de mettre le paquet lors du culte dominical pour créer l’illusion qu’il se passe quelque chose de vraiment très fort. Mais ça s’arrête là.

À partir du moment où on cesse de se laisser émouvoir par les manifestations spectaculaires qui impressionnent les plus crédules d’entre nous, on se tourne enfin vers la Parole de Dieu pour découvrir que la mesure qui permet le mieux d’authentifier une communauté chrétienne en santé est l’amour de Christ au milieu de ceux qui la composent.

« Je vous donne un commandement nouveau : Aimez-vous les uns les  autres; comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. A ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres. » Jean 13 : 34-35

« tous connaitront »

Ce n’est pas dans la ferveur de nos chants ni par la quantité de nos œuvres que « tous connaitront » que nous sommes des disciples de Jésus, mais seulement si nous nous aimons du même amour dont Christ nous a aimé. J’insiste sur ce détail, il n’est pas question dans ce texte de l’amour humain dont les assises reposent sur des sentiments fragiles.  Ce dont il est question dans ce texte, c’est bien de l’amour de Christ, un amour non circonstanciel. De plus, Jésus parle de cet amour comme étant un « commandement nouveau » et non pas une simple suggestion.

Or, il suffit d’ouvrir les yeux pour prendre conscience que cet amour de Christ est de moins en moins présent dans nos communautés. Ce constat est là devant nos yeux et peu de leaders chrétiens s’arrêtent pour analyser cette problématique sérieusement. La gestion du pouvoir et l’appropriation de modèles de croissances occupent les leaders d’église beaucoup plus que l’amour du plus faible. Mais je sais aussi que plusieurs pasteurs et anciens cherchent honnêtement des pistes de solutions. Que faire alors? J’aimerais vous proposer une réflexion qui occupe mes pensées depuis une douzaine d’années et qui, je l’espère, vous aidera dans votre propre analyse de ce phénomène inquiétant.

J’ai choisi cinq phénomènes qui décrivent assez bien l’ensemble du problème en question. J’aurais très bien pu en choisir plus de cinq, mais il m’a semblé que ces cinq phénomènes montrent assez clairement les comportements qui sont réellement au cœur du problème.  

  1. Depuis quelques années, le nombre de pasteurs qui décrochent et quittent soudainement leur église en plein burnout est en augmentation? Comment pouvons-nous expliquer ce phénomène? Qu’est-ce qui fait en sorte que ces hommes n’arrivent tout simplement plus à persévérer dans cette sainte vocation?
  2. On observe de plus en plus des chrétiens qui évitent autant que possible les occasions de communion fraternelle dans leur église. Certains arrivent à l’heure exacte où commence la rencontre du dimanche et quittent les lieux dès le prononcé de l’amen final? Pourquoi ont-ils envie de quitter si rapidement?
  3. La plupart des chrétiens (jusqu’à 90% dans certaines églises) n’ont pas dans leur priorité le projet de s’impliquer dans leur église locale? Pourquoi trouvent-ils plus de plaisir à s’impliquer dans des causes autres que celles que propose leur église qui, pourtant, est plus près des préoccupations de l’Évangile?
  4. Un bon nombre de chrétiens lisent très rarement la Parole de Dieu et n’ont plus aucune vie de prier ni d’élan pour l’évangélisation? Quelles sont les raisons qui poussent ces femmes et ces hommes à consommer et apprécier davantage des contenus culturels séculiers au détriment des contenus bibliques pouvant nourrir leur foi?
  5. Un nombre croissant de chrétiens choisissent de ne plus fréquenter aucune église sans pour autant abandonner la foi chrétienne?[1] Alors que l’Écriture insiste sur l’importance de l’église locale, ils sont nombreux ceux qui ont de ce lieu une très piètre opinion. Ont-ils raison de croire cela?

Une première analyse très générale qui pourrait expliquer les phénomènes ci-haut mentionnés est que nos églises sont très loin d’être à la hauteur des intentions de Jésus-Christ pour son église. Voilà qui est très facile à dire. Pour être plus précis, disons que nos églises ont lentement mais surement glissé vers des modèles institutionnels dont la gestion a pris le dessus sur les intentions divines. Je crois qu’il aussi très pertinent d’affirmer que la faute est d’abord imputable à nous les pasteurs et anciens. Pourquoi? C’est que les modèles d’implantations telles qu’on nous les impose actuellement nous amènent à ne plus voir nos églises comme des bergeries, mais comme des entreprises aux nécessités lucratives.

C’est là qu’on peut observer l’influence d’un capitalisme malveillant qui vient contaminer la raison d’être du ministère pastoral et de surcroit, de l’église locale. Ce capitalisme malveillant aux appétits de croissance vorace se nourrit lui-même du darwinisme ambiant qui n’a de raison d’être que la survie de l’espèce (évangélique) par la reproduction de ses « membres » les plus aptes. Quelques décennies plus tard, on obtient une église qui n’a de temps à consacrer qu’à ceux qui pourront par leur contribution amener une « valeur ajoutée » à l’église institutionnalisée.

Une série d’articles

Ce texte est le premier d’une série d’articles qui exploreront l’ensemble des problématiques auxquelles il nous faut absolument réfléchir si nous souhaitons de tout cœur raviver nos églises locales. Quels sont des pièges qui nous guettent et comment les éviter. Sommes-nous encore en mesure de corriger le tir et de réapprendre à vivre en église dans le sens où Christ qui en est la tête l’entend? Voilà autant de questions auxquelles nous tenterons de répondre dans cette série d’articles.

Réal Gaudreault (Pasteur)


[1] https://actualitechretienne.wordpress.com/2013/09/05/paul-ohlott-la-parole-est-aux-decus-des-eglises-evangeliques/

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24 Comments

  1. Il est enfin temps que cette réflexion se fasse malgré que l’on entend déjà des commentaires de ce milieu institutionnel qui cherchera à en diminuer l’importance. Merci Réal d’aller de l’avant avec cette série d’articles afin de nous amener dans une réflexion des plus pertinentes en ce 21e siècle.

    • Effectivement Mario, c’est probablement la force institutionnelle qui elle-même tentera de s’auto-protéger comte la nécessité des changements. Mais à fois, le problème est tellement criant actuellement que bien des églises au Québec voudront prendre un virage qui les sortira du pétrin. Enfin, on verra bien.

  2. J’ai vraiment apprécié te lire et je rend gloire à notre Dieu qu’en fin on puisse dire la vérité sur ce qui ce passe depuis plusieurs années dans les eglises,j’ai hâte de lire la suite

  3. ET SI NOUS L’INVOQUIONS ?
    Posons-nous franchement la question: «En choisissant de faire nôtre le message évangélique, que cherchons-nous vraiment ?»
    Échapper à l’enfer ? Adopter un mode de vie intérressant ? Joindre une communauté sympathique et vivre une appartenance à une collectivité ? Se valoriser par des occupations religieuses stimulantes ? S’assurer de baigner notre famille dans de “bonnes valeurs” ? Échapper aux dogmes religieux de l’église catholique (pour les plus âgés)? Entendre “de bonnes” prédications -voire des animations- ou encore participer à des programmes stimulants ?
    Une ou plusieurs de ces interrogations pourraient correspondre aux choix qui vous ont (vous et moi) amené au sein d’une communauté chrétienne. Mais le vrai motif de départ, (si vous vous souvenez sincèrement) c’est Christ. Christ et l’Oeuvre de sa vie, voilà tout. Revenons à la source:

    Avec le temps, d’autres motifs ont pris le dessus sur la première inspiration qui nous ont attirés vers une communauté plus qu’une autre. Puis, l’habitude s’installant, les gestes et les rôles que nous exerçions dans notre communauté, se sont “institutionnalisés” (réflexes de routines) et ils ont perdu de leur candeur d’origine. C’est le propre d’à peu près tout ce que l’humain touche: se sécurisé par les structures et les habitudes. La vie et les événements sont nombreux pour nous réduire au silence et étioler la motivation de départ. Était-ce le pasteur, les activités, l’ambiance ou encore… le décor ? Il est parfois facile d’en venir à agglutiner des déplaisirs vécus dans la communauté pour justifier notre décrochage. Je ne voudrais certainement pas, être réductionniste en sous-estimant le rôle qu’une organisation ou ses dirigeants peuvent avoir face à une telle désaffection. Mais je dois reconnaitre qu’une certaine fatigue atteint plusieurs d’entre nous. Vie plus attrayante dans le monde, activisme professionnelle, pressions sociales et/ou familiales, sensation forte et attraits puissants des plaisirs éphémères etc. Sont là quelques unes des influences; non négligeables quant à moi. Tout va trop vite et il est plus simple d’aller au plus court: le consumérisme.
    Arrêter pour discuter avec l’autre et pis encore, avec l’Autre devient un fardeau. Constat troublant: la prière est étrangère à notre mode de vie contemporain.

    Nous sommes héritier d’une ère où les «bonnes œuvres» étaient la prémisse d’une vie chrétienne authentique et salvatrice. Puis, vint Luther pour expliquer que le seul fondement dont l’Écriture parle, passe par une simple adhésion par la foi en Jésus-Christ (sola gratia, sola fide, ou soli deo gloria). Le message paulien, affirme-t-il repose essentiellement sur ces trois axes: par la grâce seule, par la foi seule, et à Dieu seule la gloire. À elles seules, ces énoncés qui ont inspirés le combat de Luther, ont insufflées une impulsion nouvelle au christianisme sur le continent européen puis dans le monde: « La grâce libère l’homme de la vaine recherche de son salut par ses efforts et ses mérites» M Luther. Serions-nous retournés au principe du mérite ? Mérite pour celui qui produit et son corolaire,celui de la condamnation de ceux qui n’y arrivent plus ?

    Mais au fait, si nous sommes sortie d’une ère où la “production” des œuvres étaient le critère d’acceptation de l’autre, j’ai le sentiment qu’en remplacement de nos vieux réflexe religieux d’antan, la “production” tout court, a gagné plusieurs d’entre nous en prenant la forme de religion chrétienne “entrepreneuriale”. La question se pose en cette ère du travail à tout crin et de la poursuite effrénée d’un solide fond de pension, au détriment des valeurs altruistes incarnées par Jésus-Christ.
    Le point de rupture c’est l’irréductible insécurité qui planent ces dernières années. La communauté évangélique n’y échappe malheureusement pas.
    Et si nous l’invoquions…juste pour voir ?

    Mettez-moi de la sorte à l’épreuve, Dit l’Éternel des armées. Et vous verrez si je n’ouvre pas pour vous les écluses des cieux, Si je ne répands pas sur vous la bénédiction en abondance. Malachie 3

  4. Merci M Gaudreault de susciter une réflexion honnête et courageuse sur nos églises évangéliques. Nos églises se parent souvent d’une suffisance d’elles mêmes accompagné d’un mépris flagrant pour tant d’autres dénominations. Et on ose s’auto-proclamer d’être les Kings de l’Amour véritable.
    Pour ma part j’aime mon assemblée locale, je respecte mon pasteur et nos anciens et diacres dévoués, mais le plus vrai et le plus profond de mon amour de Celui qui m’a sauvé se vit dans ma chambre, la porte fermée.
    Merci encore M. Gaudreault.
    Paul H.

    • Merci M. Hamel, vous apportez là un commentaire tout à fait en équilibre avec plusieurs nécessités qui doivent coexister dans notre marche avec Dieu.

  5. Les crises de foi que nous vivons sont toutes dans la lignée de Jean Baptiste qui se demande si on doiten attendre un autre.. Nous pouvons tous être en désaccord avec une doctrine biblique et l’interprétation des Ecritures. Mais que ferons-nous avec Jésus? Il ne changera pas Qui Il est, pour se conformer à ce que nous croyons Qu’Il est. Il est celui qu’Il est. Nous devons soit accepter Jésus tel qu’Il est, soit vivre avec l’idée qu’Il est quelqu’un de moindre ou d’autre. « Il est le même hier, aujourd’hui, et pour toujours » (Hébreux 13:8). La question à laquelle nous devons tous répondre est la suivante: Jésus est-Il suffisant? Est-Il suffisant simplement comme Il est? Ou a-t-Il besoin de faire quelque chose de plus pour nous satisfaire? Intellectuellement nous pouvons dire: « Oui, Jésus est suffisant. Amen. Je le crois. » Mais je suis surpris par le nombre grandissant de personnes qui suggèrent ouvertement que Jésus n’est pas suffisant pour elles! Nous avons besoin de communion, disent-elles. Ou nous avons besoin de la bénédiction de Dieu. Ou nous avons besoin des dons spirituels et d’une onction plus puissante. Croire que Jésus est Suffisant (disent-elles) est trop simple, trop mystique, en décalage avec la réalité – peu importe ce que Colossiens 2:10 dit. Merci Real pour qui tu es..Je t’aime tres fort.

  6. Ce que vous dites est véritable et triste.
    Ne sommes nous pas dans le temps de l’Eglise apostate; Laodicée? Jésus (Yeshoua) est de plus en plus hors de l’Église mais Il frappe encore à la porte.
    La simplicité dans la foi et la Parole qui est Jésus, nous gardera de toutes ces activités inutiles qui donne l’impressIon d’agir pour Christ. Rester à l’écoute de ce que Dieu veut de nous, lire et étudier la Parole sont à mon avis, les meilleurs moyens de rester fidèle à sa volonté.
    Merci M. Gaudreault pour vos messages de réflexions et votre fidélité.

    • Bonjour Jacinthe
      Merci à vous pour paroles édifiantes. Vous avez raison de dire que se garder soi-même dans la Parole de Dieu demeure le meilleur moyen de ne pas se laisser emporter par les vagues potentiellement apostates.

  7. Samuel Foucart d’expliquer au sujet de la désertification des églises*: «Non, désolé, mais tous ceux qui quittent les Églises locales ne sont pas des « tordus », des pécheurs, des rebelles ou des gens malades. Nous avons perdu – tous mouvements confondus – des gens de grande valeur spirituelle et morale, par nos comportements condamnables, nos abus, notre esprit religieux et notre dureté. C’est une réalité qui peut déplaire, mais qui existe, pourtant.»

    Je crois avoir aperçu (comme l’apôtre Paul en son temps), des faux docteurs rôder ces temps-ci. Fort le café vous dites !? Et bien réclamons au Seigneur qu’il nous ouvre bien grand les yeux, nous en sommes là.
    Certains paient de leur fidélité à Christ.

    Ça aussi, c’est la réalité nous dit l’Écriture …«Ces hommes-là sont de faux apôtres, des ouvriers trompeurs, déguisés en apôtres de Christ»
    À Timothée, Paut exhorte: «Éloigne-toi de ces hommes là»
    Eh oui…quitte ce lieu ! Dit Paul à Timothée. Dans ce même passage(2Timothée3), Paul exhorte Timothée à ne pas avoir de relation avec ceux qui « ont une apparence de piété» et qui «sont ennemis des gens de bien». «Dans les derniers jours, il y aura des temps difficiles» écrit Paul.
    Cela aussi et possible au sein de nos directions d’églises.

    Accorde-nous Ô Seigneur, le discernement des esprits !

    *https://actualitechretienne.wordpress.com/2013/08/21/samuel-foucart-desertification-des-eglises-comment-regagner-les-croyants/

    • Bon matin CLaude
      C’est dans des moments comme ceux-là où l’on se dit qu’On se retrouve devant un champs où l’on voit pousser le blé et l’ivraie et qu’il est difficile de nettement distinguer entre les deux. Que Dieu nous donne la sagesse en ces choses car le plus facile serait de faire comme si de rien n’était.

  8. Merci Pasteur Real, et bien que je ne suis pas de votre assemblée, je dit, Pasteur, car tu as un coeur et des yeux de Berger. Que l’éternel t’environne de sa grâce, chèr frère.

  9. 100%en accord .Je pense que le problème est que Christ n’est pas la centralitée de l’Eglise . Lorsque que nous lisons Apocalypse , à quelques reprises le Seigneur dit je connais tes oeuvres… ,, spécifiquement IL dira ce que j’ai contre toi c’est que tu as oublié ton premier Amour . Centralité et primauté de Christ et aussi l’identité qu’Il nous a donné . … Je pense

    • Vous touchez un point très important Claude. Bien que les églises diront toutes que Christ est le centre et la raison d’être de leur existence, ceux qui les dirigent ne se rendent pas compte que subtilement le centre d’intérêt réel est déplacé vers eux-mêmes. C’est-à-dire qu’on fait toute chose pour acquérir de la notoriété pour soi-même.

  10. Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est Esprit. -Jean 3:6. Lorsque nous suivons les directives de l’Esprit Saint nous sommes protégés contre les choses semblables. L’Esprit est l’esprIt de vérité et expose tout les manquements, défaillances et déficiences à tout ceux qui veulent bien y porter attention. “Ceux, en effet, qui vivent selon la chair, s’affectionnent aux choses de la chair, tandis que ceux qui vivent selon l’esprit s’affectionnent aux choses de l’esprit. -Romains 8: 5.”

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