La relève dans l’église locale, un beau défi pour l’avenir (Partie 2)

Dans le premier article de cette série sur le leadership et la relève, j’ai évoqué les tensions qui surgissent entre les pasteurs de ma génération (années 80) et la nouvelle génération de leaders qui rêvent de revamper l’image de l’église pour la mettre au diapason du 3e millénaire. Dans ce deuxième article, je propose d’examiner deux questions importantes : la liberté d’action et l’authenticité.

Nous étions plus libres, mais…

Dans ma génération, nous étions libres d’expérimenter nos idées sans la contrainte d’une surveillance omniprésente. Et si un projet échouait, ce n’était pas plus grave que cela. Nous étions libres. Évidemment, en lisant ces lignes vous vous dites peut-être qu’avoir une telle liberté d’action nous permettait de vivre tous nos rêves avec Dieu. Pourtant non. Bien des pasteurs de ma génération ont perdu un temps précieux dans des combats inutiles et vains justement parce qu’il n’y avait personne de plus expérimenté pour les aider à faire le tri dans les priorités. Voici quelques erreurs courantes de ma génération[1] :

  • Attitudes souvent trop sectaires qui nourrissaient des jugements inutiles sur la moralité des non-chrétiens.
  • Mauvaise compréhension de la sanctification.
  • Légalisme à outrance qui relevait d’une méconnaissance de la justification.
  • Herméneutique pauvre = mauvaise interprétation des textes bibliques = enseignements erronés.
  • Amalgames eschatologiques pernicieux entre évènements politiques et prophéties bibliques.
  • Usage abusif des remontrances et des cas de disciplines dans l’église.
  • Compétitions négatives et médisances entre les églises.

Cette liste pourrait s’allonger encore et encore. Mais qui veut lancer la pierre à tous ces hommes qui ont travaillé très fort toute leur vie, ces hommes qui ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour accomplir la volonté de Dieu au mieux de leur connaissance. Ces ouvriers jouissaient d’une plus grande liberté, c’est vrai, mais posséder beaucoup de liberté de garantie pas la qualité du résultat. Il leur manquait souvent la sagesse et le savoir-faire venant de pasteurs d’expérience qui auraient pu les aider à approfondir leurs compétences.

L’authenticité, une compétence incontournable

Si on me demandait de résumer en un seul mot quelle est la qualité que les jeunes de nos églises apprécient le plus chez un pasteur, ce serait le mot authenticité. Il importe de préciser que l’authenticité de garantie pas forcément la vérité. Bien qu’une personne puisse honnêtement rechercher à être le plus authentique possible, elle peut être authentiquement dans l’erreur. Je sais bien qu’un excès d’authenticité peut mener à un comportement narcissique. L’authenticité dont je veux plutôt parler est : «La vertu par laquelle un individu exprime avec sincérité et engouement ce qu’il et profondément .[2] »

Être authentique est une superbe qualité humaine qui éloigne l’homme de sa propre malice au profit d’une attitude résolument plus transparence. Mieux encore, être authentique consiste à cesser de se cacher derrière une fabulation de soi-même. Elle nous force à mieux gérer nos fautes, à assumer nos erreurs et à cesser d’en accuser les autres. L’authenticité est une prise en charge lucide et honnête de son état de pécheur devant Dieu en vue de saisir pleinement la grâce de Dieu qui console et guérit. C’est d’accepter courageusement sa condition humaine fragile sous le regard bienveillant du Rédempteur.

L’authenticité devrait être l’une des principales qualités des chrétiens car nous avons un rédempteur qui, ayant payé le prix pour toutes nos fautes, nous permet de survivre à nos accablantes faiblesses. L’authenticité est non seulement de se reconnaître pécheur devant Dieu, mais de se reconnaître comme tel aussi devant les hommes. Je ne parle pas ici de se reconnaître vaguement pécheur, mais de nommer, de dire et de confesser les choses qui nous rendent coupables lorsque nous blessons des gens.

Ce qui différencie ma génération de celle d’aujourd’hui est que l’authenticité doit être pleinement perceptible. Ce qu’il faut comprendre est que dans ma génération, on ne jugeait pas la qualité d’un pasteur à partir de son authenticité, mais à partir de sa prestance et son autorité. Bien sûr, il devait être compétent, visionnaire et capable de prêcher la Parole de Dieu. Mais au-delà de ces indispensables qualités, on ne doutait pas de son authenticité parce que l’admiration qu’on lui portait ne permettait pas de remettre en question cette valeur. Aujourd’hui, il ne suffit plus de détenir la fonction pastorale pour être vu comme quelqu’un de compétent et d’authentique. Mais non il faut aussi être authentiquement compétent.

Une expérience personnelle qui m’a surpris

Il y a plusieurs années, lors d’une prédication à mon église, j’ai raconté par hasard quelques anecdotes dans lesquels je parlais de mes bêtises à moi. En fait, je voulais juste que les gens sachent que, comme eux, j’ai vraiment besoin de la grâce de Dieu tous les jours. Je leur parlais notamment de mon caractère impétueux qui m’a fait faire des gaffes énormes, et comme tout ça était dit avec un brin d’humour, tout le monde rigolait dans l’église. Ce matin-là, beaucoup de gens sont venus de voir pour me dire qu’ils avaient beaucoup apprécié ce moment où je laissais paraître mes faiblesses. Ça leur faisait du bien d’apprendre que leur pasteur est un pécheur et qu’il lui arrive aussi de poigner les nerfs au volant de sa voiture.

Sans chercher à exploiter à outrance cette mise à nue de ma personnalité devant ma congrégation, j’ai pris conscience par la suite que plusieurs membres de mon église me faisaient plus confiance qu’auparavant. Curieusement, ma dignité pastorale n’a pas souffert bien au contraire, j’ai reçu plus respect en me montrant un peu plus authentique qu’en jouant la fausse note du pasteur en pleine maitrise de lui-même. Que l’on soit un vieux ou un jeune pasteur, dans le monde d’aujourd’hui la règle de l’authenticité est désormais incontournable pour être vu comme un leader compétent, et c’est bien tant mieux.

Conclusion

Le problème lié à la transition des pouvoirs pastoraux dans nos églises est peut-être moins un problème générationnel qu’on le croit. En fait, plus j’avance sur cette route, plus j’ai l’impression que c’est un problème relationnel lié à un manque d’écoute des préoccupations de l’une et l’autre des deux générations concernées.

Dans le troisième article de cette série, j’aborderai la délicate question des qualités bibliques nécessaires pour être un bon pasteur.

Real Gaudreault (pasteur)

[1] Je tiens préciser que les éléments contenus dans cette liste ne reflètent pas nécessairement l’attitude de toutes les églises de cette époque. Mais généralement, ce sont là les principaux excès souvent observés chez les évangéliques des années 80.

[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Authenticit%C3%A9

 

 

Facebooktwittermail
rss

1 Comment

  1. Bonjour M Gaudreault, saviez-vous que les problèmes techniques de votre blog persistent ? J’ai tenté d’émettre un commentaire encore hier et on me renvoyait à une page d’erreur.
    Espérant que vous puissiez retrouver votre blog très bientôt.
    Claude

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.