La réduction radicale du mystère du Christ

Qui est Jésus? Est-il un personnage historique exceptionnel ou l’un des plus grands philosophes de tous les temps? Peut-être fut-il le pire de tous les imposteurs? À moins qu’il soit une pure fabulation inventée par les chrétiens des premiers siècles? Une chose est au moins certaine, le christianisme souffre actuellement d’une grave crise identitaire qui le rend fragile à bien des pièges.

Pendant des siècles, le Québec était imprégné d’une culture religieuse omniprésente dans ses institutions d’État. Mais cette situation allait changer au cours du XXe siècle. Après la Deuxième Guerre mondiale, une nouvelle classe de technocrates politiques voit le jour en Occident. On veut rompre avec les anciens modèles politiques belliqueux et mettre en place un système de gouvernance mondiale. C’est dans ce contexte que le Québec choisit alors d’adopter cette vision progressiste de l’organisation sociale. Les institutions qui encadraient jusque-là le monde de l’éducation et le système de santé québécois passent des mains des communautés religieuses à celles de l’État en vue d’en laïciser les structures.

La laïcisation des institutions publiques provoque par le fait même la mise au rancart des valeurs chrétiennes dominantes jusque-là. Rien ne va plus, à l’aube du troisième millénaire, l’image du christianisme en prend pour son rhume. Plusieurs scandales à saveurs sexuelles viennent ternir la réputation de l’Église catholique et salir à tout jamais sa mémoire. Et les évangéliques, bien malgré eux, sont coupables par association parce qu’on les relie directement à la droite religieuse conservatrice américaine. Du point de vue des médias québécois, un chrétien évangélique est forcément un admirateur de Georges Bush. Non, rien ne va plus. Voilà qui suffit à alimenter un vent de panique chez les chrétiens. Or, comme nous le savons déjà, l’homme prend rarement de bonnes décisions lorsqu’il panique.

Une église rejetée

Les chrétiens sont aujourd’hui forcés de s’habituer à vivre dans un monde qui souhaite leur extinction. Constamment, on les accuse d’être anti-progressistes et intolérants. Si ce monde rejette l’église, c’est peut-être parce que son message est en rupture avec les valeurs actuelles? L’Église souffrirait-elle d’un grave problème de déficit de pertinence sur le plan social? Si oui, comment pourrait-elle se rebâtir une image positive auprès des instances politiques et médiatiques? Voilà autant de questions qui ajoutent au climat de panique que ressentent plusieurs chrétiens. Si ce climat est propice à nourrir une saine réflexion, il peut aussi induire à la pire des tentations, celle de chercher l’approbation du monde par tous les accommodements possibles. On n’est jamais plus ridicule que lorsqu’on désire à tout prix se faire aimer.

Oh tentation, quand tu me tiens…

La tentation est grande d’agripper au passage tout discours susceptible de rétablir l’image du christianisme dans l’histoire. Par exemple, le philosophe et sociologue Frédéric Lenoir fait un travail remarquable pour montrer que le christianisme est loin d’avoir été une nuisance dans le développement de l’Occident. Au contraire dit-il, c’est le contenu même de l’Évangile qui est à l’origine des valeurs qui ont mené l’Occident vers les progrès sociaux, qu’ils soient politiques, sociaux, voire même scientifiques. Lenoir a raison de tenir ce discours qui devrait sauter aux yeux du plus grand nombre.

L’œuvre monumentale que sont les Droits de l’homme ne serait jamais apparue si Jésus n’avait pas d’abord existé. Qu’il s’agisse de l’égalité homme femme, de la dissolution des classes sociales, des libertés individuelles, de la liberté d’expression, de la compassion envers les nécessiteux, des soins aux malades, toutes ces actions tirent leur origine des discours de Jésus. De façon claire, Frédéric Lenoir montre sans équivoque que l’Occident doit beaucoup à Jésus-Christ et que c’est une erreur grossière de ne pas reconnaitre la contribution du christianisme dans le développement des valeurs occidentales[1].

Cependant…

Les chrétiens évangéliques aiment bien Lenoir, et pour cause, ce dernier les aide à se rebâtir une pertinence dans l’espace public. Mais il faut bien écouter l’ensemble de son message pour réaliser que pour lui, Jésus n’est pas tout à fait la même personne que celle que les chrétiens adorent. Lenoir croit a une rédemption de l’homme par l’homme qui ne va pas au-delà des limites du terrestre. Lenoir aime penser que le monde trouvera son salut ici-bas dans l’adoption terrestre des valeurs de Jésus. Pour lui, Jésus est-il Dieu? Non, il serait plutôt une émanation d’un dieu inconnaissable au même titre que Mahomet ou Bouddha ou tout autre grand personnage religieux de l’histoire. On se trouve ici plonger au cœur même du pluralisme religieux.

Le théologien jésuite Bernard Sesboüé montre bien à quel point la pensée de Lenoir, bien qu’admirative de Jésus, n’est pas chrétienne pour autant. Voici comment Sesboüé décrit cette problématique :” Dans son livre Comment Jésus est devenu Dieu, Frédéric Lenoir exprime ses convictions sur l’identité de la personne de Jésus de Nazareth.   (…) Lenoir donne à penser que l’Église avait finalement décidé de la divinité du Christ au IVe siècle sous la pression des empereurs romains. Selon ce livre toujours, « les évangiles laissent planer un doute sur l’identité de cet homme hors du commun »…[2]

Effectivement, Lenoir croit que Jésus est sauveur du monde par la force de ses idées, mais non par la qualité de son sacrifice à la croix.

Toujours selon Sesboüé ” cet ouvrage (Comment Jésus est devenu Dieu ) nous propose, dans un esprit qui plaît à notre temps, une réduction radicale du mystère du Christ en le ramenant dans les clous d’une raison immédiate et plus facilement acceptable. Le Jésus de Frédéric Lenoir reste un personnage exceptionnel, mais il ne s’est jamais prétendu Dieu, il n’a pas été considéré comme tel par la première génération chrétienne. Le mystère planant sur son identité serait resté entier. Ce n’est que par la suite qu’il aurait été « divinisé » en plusieurs étapes. Il reste un leader religieux exceptionnel, mais un homme sans plus.”

Le mystère du Christ

À cet égard, on peut apprécier l’argumentaire efficace de Lenoir au sujet du Jésus historique. Mais lorsque je lis les livres des athées tels que Christopher Hitchens ou Richard Dawkins, j’entends le même discours de leur part au sujet du Jésus sauveur qui serait une pure fabrication des chrétiens eux-mêmes. Or, si Jésus n’est rien de plus qu’un personnage exceptionnel, notre foi est donc vaine.

Préférons-nous le Jésus, fils de Dieu et sauveur de l’homme par son sacrifice à la croix, ou préférons-nous l’image réductrice d’un Jésus en tant que personnage exceptionnel dont l’unique mérite aura d’être exceptionnel?

Réal Gaudreault

[1] http://www.temoins.com/etudes/recherche-et-innovation/etudes/les-valeurs-fondamentales-selon-frederic-lenoir

[2] http://www.jesuites.com/actu/2010/lenoir_sesboue.htm

 

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3 Comments

  1. Réal Gaudreault Donc, vous ne répondez pas…. ceci démontre que j’avais raison et que j’ai mis le doigt DIRECT sur le problème!!! MERCI!!! ”Qu’est-ce qu’en dit Frédéric Lenoir?”= Aussi bien demander ce qu’en dit Lucifer ou autres païen inconvertis-catholique incrédule!!! M. Gaudreault est-ce que vous conseillez ce genre de lecture??? Peut-être parce que vous vous êtes associé avec eux??? Est-ce que la foi de ”La Bible Parle Laval” devient œcuménique en terme de ”religion”??? Avez-vous rejeté Le Christ, Le Fils de Dieu, Jésus, Yeshoua Ha’Mashia COMME les catholiques??? Frédéric Lenoir: Écrivain païen de littérature de sagesse et philosophie humaine(Les Librairies Ésotérique en déborde) n’ayant aucune connaissance en langues ancienne; hébreu, araméen et grec ou écritures akkadienne, assyrienne, hiéroglyphe ou cunéiforme, etch….!!! Un autre vendeur de livres(vendeur du temple!), vendeur de papier toilette plier et portable!!! ««””Une chose est au moins certaine, le christianisme souffre actuellement d’une grave crise identitaire qui le rend fragile à bien des pièges.””»» Certainement à cause des incrédules et infidèles insensé et INCULTE qui ne cessent de le crier, de le prêcher et de l’enseigner aux moutons ignorant qui les entourent!!! Frédéric Lenoir= Qui est-il??? Et qui est-il pour parler au nom des chrétiens???(Il n’en n’est pas un lui-même!!! ) Et de quel chrétien parle-t-il??? Pourquoi vous voulez vous fier à ces enseignements???…………… Est-ce que çà va M. Gaudreault?….. Avez-vous des doutes envers Yeshoua Le Fils de Dieu???   …………. La Sagesse Divine, La Connaissance de La Science d’El Elyon, La Parole de {YHWH} qui est La Vérité en Yeshoua, qui EST Yeshoua…. ne se vend pas et ne s’achète pas…… (Simon le magicien avec son argent$$$ peut passer son tour encore une fois), ……. c’est un DON!!! Un Don de Dieu(heureusement) donné selon Sa Volonté à quiconque et qui n’a pas besoin de l’accord d’aucune assemblée ou de la permission d’anciens ou de pasteur!!! Même si la terre entière vous a élu pasteur d’une assemblée…… sans ce don c’est carrément futile, inutile. Que Dieu vous bénisse et vous conduise dans la Vérité en Jésus Christ!!! ††† Jean 17:17 et rien d’autre!!!

    • Très cher Reich, d’abord, vous devriez vous présenter sous votre vrai nom. De plus, votre commentaire montre bien que vous n,avez tout simplement pas lu mon article car je n’affirme rien de ce que vous prétendez que j’affirme dans votre critique.

  2. Frédéric Lenoir n’est pas chrétien, au sens où il ne peut pas dire, avec Pierre : Tu es le Christ (le Messie), le Fils du Dieu vivant ! Par conséquent, il n’est pas en mesure d’apprécier l’œuvre de rédemption qu’il a accompli. Nous ne pouvons pas reprocher à quiconque de ne pas être chrétien. Par contre, il a remis l’accent sur l’enseignement de Jésus et l’effet rédempteur que cet enseignement a eu sur l’histoire et la culture occidentale, par le biais de ceux et celles qui ont obéi à sa parole. C’est un aspect oublié ou négligé de l’œuvre de Jésus, du fait que l’Église s’est focalisée trop exclusivement sur l’œuvre rédemptrice de la croix et de la résurrection. Il faut lire le lieu livre de Claude Tresmontant : L’enseignement de Iéschoua de Nazareth.

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