100% pécheur et 100% justifié

Lorsque j’étais un tout jeune chrétien, je croyais que les pasteurs et les anciens étaient des hommes ainsi nommés parce qu’ils avaient réussi à dompter le péché dans leur vie. Je voyais la maturité spirituelle comme un long cheminement au bout duquel on acquiert un niveau de sainteté suffisant pour être enfin digne de servir le Seigneur. Mais je me trompais. Évidemment, les victoires que le Seigneur nous accorde sur le péché sont vitales pour celui ou celle qui souhaite mener une vie spirituelle heureuse, fructueuse et stable. Mais là n’est pas la vraie maturité.

La convoitise évangélique

La plus terrible des convoitises qu’un chrétien sérieux puisse ressentir consiste à vouloir accéder à la maturité spirituelle. Mais non me direz-vous, désirer grandir en maturité est au cœur même de la volonté de Dieu pour ses enfants, non? Or, si notre conception de la maturité repose sur des repaires humains, nous serons plutôt attirés vers cette convoitise inavouée d’adopter une stature spirituelle qui ne servira qu’à nourrir notre justice propre? Nous sommes faits ainsi, c’est plus fort que nous. Nous présentons toujours de nous-mêmes une version esthétiquement améliorée qui cache bien la réalité de nos cœurs profondément mauvais. Je m’inclus moi-même totalement dans cette analyse.

Pour certains, la connaissance théologique est le moyen idéal pour montrer les effets de la réussite spirituelle. Pour d’autres, c’est la manifestation spectaculaire de la puissance de Dieu qui rehausse pour eux-mêmes le prestige d’une certaine maturité. D’autres abondent dans les œuvres humanitaires, œuvres qui sont largement diffusées, mais qui ne servent qu’à publiciser la qualité des réussites humaines. Puis, il y a ceux qui parlent de leur victoire sur le péché, montrant ainsi qu’ils ne sont plus tout à fait de la même race que le reste des hommes. Pourquoi voulons-nous absolument que tout le monde sache ce que nous faisons de bon? Pour la seule gloire de Dieu, vraiment? Parce que c’est là le contenu de notre témoignage? Non, non, c’est encore le sacro-saint désir de se réaliser nous-mêmes.

L’immaturité publiée

Cette propension à publier nos hauts faits n’est-elle pas une forme d’auto rédemption devant nos pairs, voire même devant Dieu? Ce besoin pathologique de prouver que nous sommes dans la course de la réussite n’est rien de plus que le témoignage de notre immaturité spirituelle? En fait, la recherche de cette sorte de maturité est la forme la plus intrigante de l’expression du péché dans nos vies. Dans sa lettre aux Romains, l’apôtre Paul exprime clairement l’ensemble de la problématique de la domination du péché dans notre chair mortelle.

« 19 Car je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas. 20 Et si je fais ce que je ne veux pas, ce n’est plus moi qui le fais, c’est le péché qui habite en moi. 21 Je trouve donc en moi cette loi : quand je veux faire le bien, le mal est attaché à moi. »[1]

« Quand je veux faire bien »

Ce texte nous apprend que dans ce corps mortel, quoi que je fasse, même « quand je veux faire le bien » pour Dieu, cette bonne intention est contaminée par le péché qui habite en moi. Autrement dit, il n’y a jamais dans mon parcours de vie des moments où je ne suis plus un pécheur. Même lorsque le prie, que je lis ma Bible ou que j’évangélise. Stupéfiant, non? Je suis un pécheur, je le suis continuellement, et je le resterai jusqu’au jour où j’apparaitrai dans la présence du Seigneur. La Bonne Nouvelle de l’Évangile n’est pas qu’en Jésus-Christ je ne pêche plus et que de ce fait, je suis juste. Non, je suis un pécheur justifié. Je suis 100% pécheur et 100% justifié.

Luther disait …

« Pecca fortiter, sed fortius fide et gaude in Christo… » Ce qui veut dire : « pèche courageusement, mais crois et réjouis-toi en Christ d’autant plus courageusement. » Par ces mots, Luther n’encourageait pas la licence et la désobéissance, il voulait plutôt montrer tout le réconfort que le pécheur trouve dans l’Évangile qui justifie, non son péché, mais le pécheur qu’il est. C’est dans cette grâce que le pécheur trouve chaque jour de sa vie le courage qui le console de sa pitoyable condition de pécheur dont le cœur reste indomptablement impur. La maturité n’est certes pas de ne plus pécher, mais de se savoir pardonné de sa condition pécheresse.

La maturité par excellence…

La maturité d’un chrétien ne se reconnait pas en ce que ce dernier pêche de moins en moins, mais plutôt en ce qu’il est de plus en plus conscient de son état de pécheur. Ce qui construit la maturité du chrétien se trouve au carrefour de deux grandes vérités indissociables : se reconnaitre toujours pécheur et impur et, jouir continuellement de la pleine grâce de Dieu qui justifie le pécheur. On ne parle pas ici de celui qui demeure dans l’insouciance du péché, mais de celui qui vit d’une pleine révélation de la grâce de Dieu, laquelle le maintien dans une attitude de reconnaissance perpétuelle pour celui qui à croix à payé le prix de sa rédemption. 100% pécheur, 100% justifié et 100% reconnaissant.

Réal Gaudreault

[1] Romains 7 : 19-21

 

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5 Comments

  1. Merci pasteur Réal pour ce texte. Excellent et très libérateur. Très édifiant pour les pécheurs que nous sommes qui essayons de “devenir meilleur” mais sans succès. La maturité en effet consiste dans le fait que le chrétien est de plus en plus conscient de son état de pécheur….quelle grande vérité. Cela nous ramène au texte de Luc où le publicain n’ose même pas lever la tête vers le ciel et dit: “Sois apaisé envers moi qui suis un pécheur” et Jésus dit: “Celui-ci est rentré chez lui justifié”. Merci

  2. Merci Pasteur Réal de nous faire réalisé notre état pitoyable face à un Dieu Saint.
    100% pêcheur et 100% justifié
    Grâce soit rendu à Jésus-Christ notre sauveur…

  3. Excellent !
    Je me suis abonné à votre blog depuis peu et je me régale. Loin de moi, l’idée de vous flatter. Mais le propos est juste et cela mérite d’être reconnu. Je partage sans hésiter vos articles sur mes réseaux sociaux ainsi que vos prédications. Merci.

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